Quarante
sept (47) / Naissance* (date
de)
<< - Ce n'est tout de même pas un hasard si Rue
des Boutiques Obscures compte 47 chapitres, 1947 étant
aussi la date de naissance de votre frère, date que vous
vous êtes un temps attribuée, alors que vous êtes
né en 1945...
PM - Oui, là ce n'est pas un hasard. Ce chiffre 47 m'a
travaillé. Quand j'avais 19 ans, j'avais falsifié
mon passeport pour faire croire que j'avais 21 ans, l'âge
de la majorité. J'avais inscrit « 1943 » au
lieu de « 1945 ». Après, je l'ai refalsifié
pour rétablir la date, mais il était plus facile
de transformer le 3 en 7 qu'en 5. Je me suis alors trouvé
pris à mon propre piège : Gallimard avait photocopié
mon passeport car j'étais en lice pour le prix Fénéon,
un prix décerné à de jeunes écrivains...
il fallait prouver que l'on n'avait pas encore 35 ans. Du coup,
cette date de 1947 s'est trouvée officialisée, et
cela m'a poursuivi.>> Entretien
avec Maryline Heck, Magazine Littéraire, n° 490, octobre
2009
Quartiers
« Il avait toujours imaginé qu'il pourrait retrouver
au fond de certains quartiers les personnes qu'il avait rencontrées
dans sa jeunesse, avec leur âge et leur allure d'autrefois.
Ils y menaient une vie parallèle, à l'abri du temps...
Dans les plis secrets de ces quartiers-là, Margaret et
les autres vivaient encore tels qu'ils étaient à
l'époque. Pour les atteindre, il fallait connaître
des passages cachés à travers les immeubles, des
rues qui semblaient à première vue des impasses
et qui n'étaient pas mentionnées sur le plan. En
rêve, il savait comment y accéder à partir
de telle station de métro précise. Mais, au réveil,
il n'éprouvait pas le besoin de vérifier dans le
Paris réel. Ou plutôt, il n'osait pas... »
in l'Horizon, roman 2010
Quartier
Perdu (1984)
Quartier
perdu [1984] Collection
blanche (1985), Gallimard et Collection
Folio (No 1942) (1988)
Résumé
de l'éditeur
Un
dimanche de juillet, Ambrose Guise arrive à Paris. Personne. Sauf
les statues. Une ville fantôme, lui semble-t-il, après un bombardement
et l'exode de ses habitants. Auteur de romans policiers anglais,
il vient rencontrer son éditeur japonais. Mais il va profiter
de ce voyage pour élucider les mystères de son passé, du temps
où il était français et s'appelait Jean Dekker, il y a vingt ans.
Il fait alors surgir dans un Paris crépusculaire, halluciné, des
lieux étranges : une chambre secrète rue de Courcelles, en face
d'une pagode ; un grand rez-de-chaussée donnant sur un jardin,
place de l'Alma. Il réveille les spectres de Georges Maillot,
au volant de sa voiture blanche, de Carmen Blin, Ghita Wattier,
des Hayward... Tout un quartier perdu de la mémoire est ainsi
revisité, et délivre le secret de ses charmes, et de ses sortilèges.
Quartier
perdu, premières
pages
15
quai Conti, Paris
L'appartement où il vécut plusieurs années avec ses parents,
au troisième étage.
Depuis la
fenêtre du 15 quai Conti
<< A cet instant, le bateau-mouche est apparu. Il glissait vers
la pointe de l’île ; sa guirlande de projecteur braquée
sur les maisons des quais. Les murs de la pièce étaient
brusquement recouverts de tâches, de points lumineux et
de treillages qui tournaient et venaient se perdre au plafond.
Dans cette même chambre, il y a vingt ans, c’étaient
les mêmes ombres fugitives et familières qui nous
captivaient, mon frère Rudy et moi, quand nous éteignions
la lumière au passage de ce même bateau-mouche.>>
Livret de famille, roman, 1977
Raymond
QUENEAU (1903-0976)
1.
Article de l'Encyclopédie Hachette-Yahoo
L’auteur de
Zazie dans le métro: pataphysicien,
membre de l’académie Goncourt,
directeur de l’encyclopédie de la Pléiade,
membre de la société mathématique
de France... Un authentique homme d’influence dans
un milieu qui en compte peu. Modiano l’a rencontré pour
la première fois à l’âge de quinze
ans dans le microcosme de Saint-Germain-des-Prés que
fréquentait sa mère.
Peu après, en classe terminale, le lycéen de
Henri IV connut quelques difficultés en mathématiques.
Aussi prit-il l’habitude de se rendre régulièrement
chez Queneau pour y suivre des cours de géométrie
dans l’espace.
Plus tard, ce professeur de rêve l’introduisit
dans les cocktails littéraires que la maison Gallimard
offrait rituellement en juin. C’est tout naturellement à Raymond
Queneau que le jeune Modiano remet le manuscrit de son premier
livre La place de I’Etoile. « Il était
très attentif à ce que pouvait faire un jeune
romancier. La seule chose qui l’ennuyait,
c’était ce qu’il percevait comme une critique anti-israélienne.
Il est vrai que le contexte de la guerre des Six Jours n’arrangeait
rien. « Peu
après, Queneau est
son témoin, le jour de son mariage à la mairie
de Saint- Sauveur. La cérémonie manque de mal
tourner, le témoin de la mariée, André Malraux
ayant engagé avec
Queneau une conversation de plus en plus vive au sujet d’un
tableau de Dubuffet. 2.
Dans Ephéméride, la nouvelle que PM publia en
2002, il rapporte certains souvenir liès à la
figure de Raymond Queneau.
<< A
Paris, à la même époque, je vais déjeuner
chez Raymond Queneau, le samedi. Souvent, au début de
l'après-midi, nous prenons ensemble un taxi, et de Neuilly
nous revenons tous deux sur la Rive gauche.Il
me parle d'une promenade qu'il avait faite avec Boris Vian dans
une petite rue
que presque personne ne connaît, tout
au fond du XIIIe arrondissement, entre le Quai de la Gare et
la voie ferrée d'Austerlitz : rue de la Croix-Jarry. Il
me conseille d'y aller. Plus tard, chaque fois que nous nous
verrons, nous parlerons de cette rue de la Croix-Jarry. Il y
a quelque temps, j'ai lu
que les moments où Queneau a été le plus
heureux, c'était quand il devait écrire des articles
sur Paris pour L'Intransigeant et qu'il se promenait l'après-midi à travers
les rues.Je me demande si ces années mortes en valaient
vraiment la peine. Les seuls instants où j'étais
vraiment moi-même : ceux où je me retrouvais seul
dans les rues, comme Queneau, à la recherche des chiens
d'Asnières.J'avais
deux chiens en ce temps-là. Ils s'appelaient
Jacques et Paul. A Jouy-en-Josas, en 1952, nous avions une chienne,
mon frère et moi, qui s'appelait Peggy et qui s'est fait écraser,
un après-midi, rue du Docteur-Kurzenne. Queneau aimait
beaucoup les chiens.Il m'avait parlé d'un western où l'on
assistait à une
lutte sans merci entre des Indiens et des Basques. La présence
des Basques l'avait beaucoup intrigué et l'avait fait
rire. J'ai fini par trouver quel était ce film : Thunder
in the sun, "Caravane vers le soleil", un western en
Technicolor de Rusel Rouse, avec Susan Hayward, Jeff Chandler
et Jacques Bergerac. Le résumé indique bien : Les
Indiens contre les Basques. J'aimerais voir ce film en souvenir
de Queneau dans un cinéma Bikini, Magic ou Neptuna que
l'on aurait oublié de détruire, au fond d'un quartier
perdu.>>
3. Raymond
Queneau : an
annotated Bibliography and Research Aid /anglais/
(Charles T. Kestermeier,
S.J., Creighton University, Nebraska)
4. Raymond Queneau, un
soiffard de savoirs
par Suzanne Bagoly, Centre de Documentation Raymond Queneau, Verviers, Belgique)
: biographie, bibliographie, manuscrits, peintures, liens et contacts, en préparation,
nouveautés et forum.
5.
Raymond QUENEAU Keni Keno
Site de Jean-Pierre Longre (auteur d'une thèse sur Queneau et
le théâtre). Il signale en particulier une adaptation radiophonique,
en 1949, du roman de George du Maurier, Peter Ibbetson,
rediffusée en 1962.
6.
Raymond Queneau, Entretien avec Phlippe Lançon.
(...) << Le
premier écrivain que vous avez connu est Raymond Queneau.
Plus tard, avec Malraux, il a été témoin
à votre mariage. Comment est-il entré dans votre
vie ?
De 11 à 17 ans, j'ai été dans des pensionnats.
Quand j'étais à Paris, je pouvais sortir le samedi
et j'allais chez mes parents. Ma mère connaissait la femme
de Queneau et un samedi, à déjeuner, il se trouvait
là. J'avais quatorze ans et demi. Il a dû voir que
j'étais un peu livré à moi-même. Par
gentillesse sans doute, il m'a dit : tu peux venir déjeuner
chez moi le samedi. Donc, de fin 1959 à juin 1960, quand
j'étais interne au lycée Henri IV, je suis allé
déjeuner chez lui. Il était souvent seul, le samedi.
Il habitait rive droite, près du Pont de Neuilly, c'était
une espèce de bloc d'immeubles 1930. Square Casimir Pinel,
c'est ça ! Un nom qui aurait pu figurer dans ses livres.
Ensuite, il me raccompagnait en taxi, rive gauche, où il
allait voir... une amie, place Saint-André-des-Arts.
Vous parliez de quoi ?
Comme il était obsédé par les mathématiques,
il m'aidait à faire mes devoirs de ce qu'on appelait alors
géométrie dans l'espace. Moi, je n'y comprenais
rien. Il essayait de m'expliquer. C'était un ou deux ans
après Zazie dans le métro . Il me disait qu'il l'avait
écrit à partir d'équations. C'était
très obscur pour moi. Il était assez taciturne.
Il me demandait mes lectures. Il avait été intrigué,
parce qu'elles étaient assez incohérentes à
l'époque. Par exemple, j'avais lu un texte de Léon
Bloy, Belluaires et porchers . Pour un garçon de ma génération,
c'était bizarre. Plus tard, j'ai lui dans son journal qu'il
avait été obsédé par Léon Bloy.
Aviez-vous lu les livres de Queneau ?
Deux, surtout : Pierrot mon ami et Loin de Rueil . Pour moi, ça
formait un bloc. Il savait que je m'intéressais à
Paris et il m'indiquait des tas d'endroits de promenade, souvent
des endroits absurdes et pas du tout pittoresques. Il avait écrit
là-dessus dans le journal L'Intransigeant avant la guerre.
C'est compliqué à expliquer, ces lieux... Il y avait
notamment une rue au fin fond de ce quartier, là, près
de la gare d'Austerlitz. Et des endroits à la lisière
du XVIIe arrondissement.
Ce qu'un personnage, dans votre roman, appelle des «zones
neutres» ?
Non. Les rues de Queneau étaient plus liées au langage,
à ses recherches pataphysiques. Les noms étaient
ce qui importait. Il avait été surréaliste
et je me souviens toujours d'une lettre d'insulte à Claudel,
je crois, qui avait été signée par Breton,
Aragon, etc., et, parmi tous ces noms, on trouvait celui de Dédé
Sunbeam. Ce nom me fascinait. J'ai demandé à Queneau
qui c'était et il éclaté de rire.
Il vous a fait rencontrer d'autres écrivains ?
Chez lui, quelquefois, il y avait des gens qui venaient. Il était
très ami avec Boris Vian. Et il pouvait m'amener à
des fêtes, comme une fois chez Gallimard. J'avais 18 ans.
Je le suivais, je n'osais parler à personne. Tous ces écrivains,
je ne pensais même pas qu'on pouvait leur parler. J'étais
comme quelqu'un qui se serait introduit par effraction.
Comment a-t-il reçu votre premier livre, «La Place
de l'Etoile», en 1968 ?
Il était un peu dérouté. Je n'osais pas lui
dire que j'écrivais. Puis j'ai pris mon courage à
deux mains et j'ai déposé chez lui le manuscrit,
sans le voir et sans le lui dire. J'avais tapé le texte
à la machine sans interlignes, c'était très
désagréable à lire, très serré.
Il était surpris que je ne lui ai rien dit, et le texte
était un peu agressif pour lui, je crois. Il l'a fait passer
au comité de lecture. (...) >> Mais
qui est Dédé Sunbeam ?, Les premières rencontres
littéraires du jeune Modiano. Entretien
avec Phlippe Lançon, Libération du 4 octobre 2007
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