La
relativité de la sensation d'exotisme est plus qu'avérée.
Ce n'est qu'un recul dans l'espace, un lointain, ou bien, le
lointain aboli, une surprise des premiers instants. Maintenant,
Voici que je vis très naturellement en des " pays enchanteurs ",
que je coudoie incurieusement des mœurs qui se
répètent... et que maintenant c'est le retour vers la vieille Europe, qui me
semble mirage...
Hier matin, sur le sentier qui contourne très exactement l'île, je pérégrine
en carriole américaine attelée d'une bête assez indocile. Le Morne comme pivot.
L'incessant récif. La mer calme. Le bruissement des feuilles sèches que les crabes
de terre halent péniblement dans leur trou. Voici Faa-Nui, la grande
vallée, nom hiératique de Bora Bora même.
Vers le soir sonne le tambour, l'appel consciencieux à la Upa-Upa, mais
sans écho. Des couples mornes passent. A grand-peine quatre danseurs, dont la
silhouette de belle allure de Terii Farani. La nuit tombe. Le tambour fait rage,
mené par un vieil aveugle dont il fait l'unique joie.
Et tout est rythme, en lui. Les épaules vibrent et dessinent très exactement
la danse. Il a des crescendos émus. Il incite à la danse. Les couples mornes,
indifférents, regardent. On fait cercle, sans conviction. Voici Terii Farani,
en tapa blanche, couronnée de grandes fleurs blanches, le nez légèrement
busqué, d'une courbe fière, les yeux battant, la bouche fine et belle, et de
belle cambrure, qui se décide à donner l'exemple. Les pieds marquent, vivement,
de tout petits pas. Les hanches ondulent sous le torse immuablement immobile.
Les bras ondulent, se balancent; les mains, parfois, vibrent. Avant qu'elle ne
soit ivre, car - nous lui en donnerons tout à l'heure ample
possibilité - cette femme est vraiment belle. Puis, enlacée par un tane,
sa main sur l'épaule large, l'autre jointe à celle du mâle de même espèce, dans
la pose pourtant exacte de notre valse européenne, elle simule nos petites danses
menues, nos frêles polkas de porcelaine, et y met ses beaux gestes, ses belles
lignes, et toute la " grâce grandiose " de sa race.
Et je songe au profond ridicule de poses d'une Française qui, d'instinct, sans
travail, voudrait mimer le moindre pas indigène ! Cette femme est purement
belle.
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La
relativité de la sensation d'exotisme est plus qu'avérée.
Ce n'est qu'un recul dans l'espace, un lointain, ou bien, le
lointain aboli, une surprise des premiers instants. Maintenant,
Voici que je vis très naturellement en des " pays enchanteurs ",
que je coudoie incurieusement des moeurs qui se répètent...
et que maintenant c'est le retour vers la vieille Europe, qui
me semble mirage...
Hier matin, sur le sentier qui contourne très exactement l'île, je pérégrine
en carriole américaine attelée d'une bête assez indocile. Le Morne comme pivot.
L'incessant récif. La mer calme. Le bruissement des feuilles sèches que les
crabes de terre halent péniblement dans leur trou. Voici Faa-Nui, la grande
vallée, nom hiératique de Bora Bora même.
Vers le soir sonne le tambour, l'appel consciencieux à la Upa-Upa, mais
sans écho. Des couples mornes passent. A grand-peine quatre danseurs, dont
la silhouette de belle allure de Terii Farani. La nuit tombe. Le tambour fait
rage, mené par un vieil aveugle dont il fait l'unique joie.
Et tout est rythme, en lui. Les épaules vibrent et dessinent très exactement
la danse. Il a des crescendos émus. Il incite à la danse. Les couples mornes,
indifférents, regardent. On fait cercle, sans conviction. Voici Terii Farani,
en tapa blanche, couronnée de grandes fleurs blanches, le nez légèrement busqué,
d'une courbe fière, les yeux battant, la bouche fine et belle, et de belle
cambrure, qui se décide à donner l'exemple. Les pieds marquent, vivement, de
tout petits pas. Les hanches ondulent sous le torse immuablement immobile.
Les bras ondulent, se balancent; les mains, parfois, vibrent. Avant qu'elle
ne soit ivre, car - nous lui en donnerons tout à l'heure ample possibilité -
cette femme est vraiment belle. Puis, enlacée par un tane, sa main sur
l'épaule large, l'autre jointe à celle du mâle de même espèce, dans la pose
pourtant exacte de notre valse européenne, elle simule nos petites danses menues,
nos frêles polkas de porcelaine, et y met ses beaux gestes, ses belles lignes,
et toute la " grâce grandiose " de sa race.
Et je songe au profond ridicule de poses d'une Française qui, d'instinct, sans
travail, voudrait mimer le moindre pas indigène ! Cette femme est purement
belle.
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