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1999-2018

 

 

Edgar Morin

De l'ancienne à la nouvelle Babylone

 

 

Nous l'avons vu l'astrologie n'est pas un folklore résiduel que la société moderne va faire disparaître. Filon marginal dans l'histoire de l'Occident, elle ne perdure pas pour autant insensible à cette histoire, identique à elle-même depuis ses origines. Il y a un développement proprement moderne de l'astrologie. Mais, avant de comprendre ce développement moderne, il faut saisir le principe génératif de toute astrologie.

La base anthropologique: l'organisation et la magie

La base anthropologique de l'astrologie est constituée d'une part par un principe organisateur selon lequel le ciel astral dirige, voire programme, l'homme (individu ou société), d'autre part par l'idée d'une parenté profonde entre l'astre et l'homme.

Cette parenté est devenue aujourd'hui implicite, à demi consciente ; mais elle a atteint son empan maximal : en effet, la psycho-astrologie, qui est l'aspect le plus caractéristique de l'astrologie moderne, présuppose une relation fondamentale entre, d'une part, ce qu'il y a de plus intime et de plus subjectif - la psyché individuelle - et, d'autre part, ce qu'il y a de plus éloigné, de plus extérieur, de plus objectif : la configuration du ciel de naissance.

1. - Le principe organisateur.

· Pour comprendre les fondements de l'astrologie, nous devons un instant nous interroger sur un problème le plus souvent ignoré par l'anthropologie. D'où vient l'organisation sociale ? Elle n'est peut-être pas génétiquement programmée chez l'homme ou, Si elle l'est, elle ne l'est que très partiellement. Elle découle certes des virtualités organisationnelles du cerveau humain, mais non pas automatiquement : ces virtualités ne se mettent en œuvre que dans la relation, c'est-à-dire l'interaction, avec le monde extérieur. Ce monde extérieur, qu'on nomme couramment environnement ou milieu, il faut l'appeler " éco-système ". Pourquoi ? Parce que l'environnement se manifeste non seulement sous forme de phénomènes aléatoires ou incidents mais aussi sous forme de phénomènes réguliers, de cycles, et dans ce sens constitue une organisation au sens large : un système (alternance du jour et de la nuit, mouvements célestes, cycles saisonniers, comportements stéréotypés ou rituels des espèces vivantes). Or une part de l'organisation sociale résulte de l'appropriation organisationnelle par l'homme des constantes et des régularités objectives de l'" éco-système ". Ainsi, les événements périodiques, au premier chef les mouvements du Soleil et de la Lune, deviennent des signaux, des signes et constituent de l'information, au sens génératif du terme principe (message, programme) d'organisation. Le Soleil et la Lune, clefs de voûte de l'" éco-système ", sont ainsi devenus les clefs de voûte du système social. Ils n'en sont pas seulement les horloges externes, ils règlent le métabolisme interne de la société ; le calendrier, fixé sur la Lune ou le Soleil, ne sert pas seulement de repère au cours des événements, il fixe et déclenche le cycle discursif de la vie sociale.

Nous avons oublié aujourd'hui qu'un principe premier d'organisation antnropo-sociale se trouve dans le ciel. Mais l'astrologie moderne ressent encore que le ciel est la puissance organisatrice suprême. Et l'appel magique à la puissance organisatrice des astres intervient encore là où il y a incertitude organisatrice (le lendemain, l'avenir), là où il y a défaillance de l'organisation (crise), là où il y a le chaos apparent des pulsions intérieures (la psyché). Le premier fondement de l'astrologie est bien une astro-logique.

· Pour comprendre cette logique, il faut comprendre également le fonctionnement du cerveau humain à l'égard des événements irréguliers, ou accidents, survenant dans l'" éco-système ".

Le cerveau est une machine à connaître : pour lui, tout événement doit être un signe, tout bruit doit être une information. Il s'efforce d'interpréter le signe et d'intégrer l'information. L'esprit archaïque pourra ramener le signe à un discours mythologique où interviennent les esprits et les dieux : l'information lui fera savoir que les génies sont bienveillants ou malveillants, menaçants ou protecteurs. Mais il pourra également, et en même temps, ramener l'accidentel et l'irrégulier à l'ordre et au régulier. Dans les deux cas, l'esprit humain manifeste non une carence sémantique ou explicative mais une intempérance sémantique et explicative. Sa faiblesse n'est pas l'ignorance, c'est de ne pouvoir accepter l'ignorance ; ce n'est pas de ne pouvoir concevoir le déterminisme, c'est au contraire d'expulser le hasard et le fortuit de l'explication. Ce n'est qu'aux XIX et XX siècles, avec Cournot, avec la statistique, avec les quanta, que le hasard, l'indétermination et le "bruit" entreront, avec quelle difficulté,dans la science.

Or l'astrologie ne fait pas qu'interpréter les événements comme des signes venus des étoiles ; sa logique fondamentale tend à ramener les phénomènes irréguliers de l'univers humain à l'ordre le plus régulier et le plus fondamental que l'humanité ait pu connaître l'ordre du ciel. Par là, on voit que l'astro-logique est de même nature que la logique qui va s'épanouir plus tard dans le déterminisme universel, lequel ramène l'apparent désordre des phénomènes à l'ordre rigoureux de lois naturelles.

La parenté va même plus loin : le déterminisme astrologique est aussi implacable et aussi peu implacable que le déterminisme scientifique. Aussi implacable car jamais aucune loi ne saurait être violée, et il n'y a pas de place pour la contingence. Aussi peu implacable car les deux déterminismes sont l'un et l'autre captés, utilisés, manipulés pour et par l'action de l'homme.

2. - L'unité vivante du monde.

Cette astro-logique est de plus une ana-logique. Elle joue non dans un univers constitué d'objets au sens physique mais dans une réalité cosmique vivante, au sein de laquelle l'homme est englobé. L'astrologie ne postule pas une simple influence des astres sur la vie humaine, ce qui peut fort bien être intégré dans une conception où l'univers est un système dont tous les éléments sont en interaction mutuelle.

Elle suppose que l'univers humain est microcosme par rapport au macrocosme stellaire, c'est-à-dire lié analogiquement à lui. Les symboles qui expriment les planètes ou le zodiaque ne sont pas des signes arbitraires. Ce sont des symboles au sens plein du terme chacun porte en lui la vertu et la vérité anthropomorphe ou zoomorphe qu'il exprime. Ils effectuent la liaison analogique entre le microcosme humain et le macrocosme. Les astres sont anthropomorphes et l'homme est cosmomorphe. Le symbolisme est plus qu'un code d'interprétation : il est la texture même du cosmos.

La conception micro-macrocosmique du monde est fondamentale, ou archaïque, dans le sens où elle est la première conception unitaire et cohérente de l'univers qui émerge dans l'homme, et dans le sens où tout esprit humain la porte plus ou moins virtuellement, plus ou moins profondément en lui. Elle est magique dans le sens précisément où cette unité et cohérence de l'univers se fonde sur l'analogie 'micro-macrocosmique ', c'est-à-dire sur la croyance en la réalité objective des processus subjectifs de projection et identification (projection de formes et sentiments humains sur le cosmos, ici le ciel, identification de traits cosmomorphiques en l'homme).

Ainsi peut-on définir le caractère magique de toute astrologie. Celle-ci a certes une base scientifique (la connaissance d'un ordre céleste) et une base organisationnelle (intégration de l'ordre " écosystémique " dans le système social), mais l'une et l'autre sont intégrées et enveloppées dans une conception magique (la relation micro-macrocosmique). Cette coagulation et interpénétration du scientifique, de l'organisationnel, du magique ne traduit pas un type de pensée " primitif" ou " sauvage >) radicalement différent du nôtre. Le nôtre est constitué des mêmes éléments mais selon d'autres combinaisons, d'autres hiérarchies. Il s'agît ici de la pensée civilisationnelle première.

L'astrologie civilisationnelle

L'astrologie émerge et se développe dans certaines civilisations antiques, en Chaldée, en Chine,en Inde, dans l'ancien Mexique. A l'origine, au moins, selon nos connaissances en ce qui concerne la Chaldée et le Mexique, il y a le rôle central du Soleil et de la Lune dans ces civilisations. Le Soleil et la Lune règlent un ordre céleste auquel doit se conformer l'ordre social et sont en même temps des divinités antbropo-zoomorphes auxquelles on voue un culte. Il y a donc un élément religieux central à l'origine de l'astronomie.

Les rites religieux, en même temps qu'ils assurent le culte, harmonisent l'ordre social sur l'ordre cosmique. Parfois, ce n'est pas seulement le destin des hommes qui dépend de la bonne marche du cosmos et qui se trouve menacé à la moindre perturbation (éclipse, étoile filante, comète), c'est aussi le destin cosmique qui dépend de la bonne ordonnance des rites humains. Ainsi, le renouvellement du cycle solaire, lors de la grande année aztèque, a besoin de sacrifices massifs, d'un torrent de sang juvénile.

Le développement de l'astrologie à partir de civilisations solaires ou lunaires est évidemment supporté par celui de l'astronomie, c'est-à-dire une science qui identifie les astres fixes et les planètes, connaît leurs cycles, prévoit leurs mouvements, établit non seulement une carte du ciel mais un modèle mathématico-géométrique. Cette science, la première science véritable, loin de chasser la conception micro-macrocosmique, l'entrètient et la développe dans toute son envergure. Ainsi la science, la religion, la magie des astres sont unies en ce stade d'astrologie civilisationnelle, et ce sont les prêtres-mages qui assurent cette unité.

En Chaldée et au Mexique, l'astrologie reste associée à la religion jusqu'à la ruine de ces civilisations ou sous la conquête étrangère.

L'astrologie d'Occident

Après la conquête macédonienne, l'astrologie chaldéenne se répand dans l'univers hellénistique, puis gréco-romain. Au cours de cette diaspora, elle se métamorphose profondément. Le résultat final, fixé canoniquement à l'époque romaine, est le système symbolique qui s'est transmis en Occident jusqu'à aujourd'hui sans se modifier.

Ce système est étonnamment syncrétique, c'est-à-dire constitué hétérogènes. Les planètes portent les noms des divinités du Panthéon (Vénus, Mars, Saturne, etc.) et de plus disposent de leurs traits anthropomorphes. Les quatre éléments fondamentaux de la cosmogonie empédocléenne - Eau, Feu, Terre, Air - sont -intégrés et sont utilisés symboliquement en fonction de leurs résonances affectives. Les douze signes du zodiaque, avatars hellénisés d'un symbolisme chaldéen, sont à dominante zoo-anthropomorphique (Bélier, Sagittaire, Cancer, Poissons). Cet extraordinaire bric-à-brac constitue pourtant une totalité polyvalente : ces symboles s'articulent et se conjuguent les uns aux autres, selon des combinaisons qui peuvent être complexifiées à l'infini, et, en fait, assurant la communication analogique entre les astres, les éléments telluriques, l'univers zoologique et la psyché humaine, ils organisent la relation macro-microcosmique.

-Mais ce n'est pas tant dans les ajouts et modifications gréco-romaines que cette astrologie se différencie de celle des Chaldéens. La différence radicale est en ceci l'astrologie chaldéenne, quand elle passe dans le syncrétisme gréco-romain, est amputée de son noyau religieux. C'est cette astrologie énucléée qui devient l'astrologie occidentale, du début de notre ère jusqu'à nos jours.

D'où ces traits fondamentaux

1. - C'est une science magique, sur fond de religiosité, mais non plus un élément constitutif de la religion. L'astrologie chaldéenne était un chaînon dans un continuum science-magie-religion-organisation sociale. L'astrologie occidentale est essentiellement l'union d'une science et d'une magie.

2. - L'astrologie devient la plus scientifique des magies et la plus magique des sciences. L'astrologie et l'astronomie demeureront indissolublement liées jusqu'à la fin du Moyen Age. L'astrologie, du fait de cette double essence, plonge dans ce qu'il y a de plus fondamental dans l'arkhe anthropologique, tout en élaborant les fondements de la modernité le calcul et la rationalisation scientifique. Même lorsque l'astronomie se détachera d'elle, l'astrologie demeurera accrochée à sa scientificité de base. D'où son caractère singulier aujourd'hui encore : elle est la plus anthropocosmomorphique et la plus scientifique des doctrines occultes.

3. - L'astrologie a pour mission non plus d'assurer la répétition périodique d'un cycle socio-cosmologique mais d'amortir l'effet des événements et accidents. Son but est non plus d'harmoniser l'ordre sôcial sur l'ordre cosmique mais de répondre aux aléas historiques, de prévoir les accidents, avatars sociaux ou individuels.

De même que le déterminisme scientifique permet l'action technique, de même la connaissance du ciel éclaire la conduite. Le rôle harmonisateur de l'astrologie passe de la société à l'individu.

Conseillère d'abord du souverain, puis des " grands ", puis enfin ouverte aux clients, l'astrologie devient un guide pour l'action.

4. - L'astrologie gréco-romaine est essentiellement constituée sur les bases de l'individualisme astrologique. A ses origines religieuses, l'astrologie concernait essentiellement le destin social. Étant donné l'ambiguïté du pouvoir, où tout souverain est à la fois le représentant de l'intérêt général et le parasite égoïste du corps social, la prédiction astrologique fut sans doute très tôt utilisée et accaparée pour l'usage individuel du souverain. Mais le grand tournant, le grand bond en avant fut accompli non seulement avec la démocratisation de l'usage de la prédiction, mais lorsque le ciel de naissance devint le paramètre qui individualisa l'astrologie dans son principe même. Certes l'astrologie a continué et continue à dessiner la figure du lendemain collectif. Mais, désormais, la relation astro-individuelle va pouvoir affirmer sa prépondérance sur la relation astro-sociétale.

L'individualisme astrologique se fonde désormais non plus seulement sur l'usage personnel d'une prédiction impersonnelle mais aussi sur une science du sujet. Le ciel de naissance donne forme, formule et configuration à ce qui est le plus obscur, le plus mystérieux, le plus nébuleux au Moi : sa subjectivité, sa psyché, l'univers intérieur des pulsions. Le symbole zodiacal apporte à l'individu non seulement son signe tutélaire mais aussi son signe sémantique, A.D.N. astral porteur de sa singularité, de son programme, de ses possibilités.

Ainsi, en cessant d'être un principe d'organisation sociétale, l'astrologie devient un principe d'organisation de l'individu, lui permettant de structurer son savoir sur lui-même, de déterminer le choix de ses relations, d'orienter l'emploi de son temps.

L'individualisme astrologique, donc, peut user d'une part de la connaissance du destin intérieur (le caractère déterminé par le ciel de naissance), d'autre part de la connaissance du destin extérieur (la marche générale du temps en un lieu donné). Cette double connaissance ne contraint pas le sujet à la fatalité ; elle lui permet au contraire de piloter l'esquif poussé par les vents du destin.

L'astrologie individualisée se répand évidemment au cours de la grande civilisation individualisatrice de l'Empire romain. Par-là même, elle porte déjà en elle les prémices de l'astrologie moderne.

Science magique, et non plus religion, l'astrologie peut désormais éventuellement coexister avec d'aùtres religions, Si celles-ci ont un minimum de tolérance à l'égard des magies qui leur sont extérieures, avec d'autres sciences, tant que celles-ci ne se dissocient pas de la magie. Aussi l'astrologie coexiste-t-elle plus ou moins pacifiquement avec le christianisme, est tolérée ou reconnue comme science auxiliaire par le thomisme, est rajeunie par l'esprit panthéiste de la Renaissance. C'est à la fin du XVII siècle que la conjonction de la contre-offensive catholique (contre les hérésies et les restes de paganismes) et de l'offensive scientifique rationaliste contre la magie va reléguer l'astrologie dans le ghetto occultiste. L'astrologie, qui n'était déjà plus religion, n'est désormais plus science. Elle est dénoncée comme superstition. Et de fait, depuis la sécession de l'astronomie, l'astrologie n'est plus science, c'est-à-dire qu'elle cesse de participer à la recherche et au travail d'observatoire.

Les sciences occultes et le " brouillard des superstitions

Du XVIII siècle au début du XX siècle, l'astrologie, l'alchimie, la chiromancie, la voyance, la télépathie, privées du droit de cité rationnel et scientifique, ou bien se dispersent sur la civilisation comme un vague brouillard de superstitions, ou bien, sous une forme doctrinaire, se concentrent dans l'underground-ghetto de l'occultisme.

D'une part, en effet, ces diverses magies, privées de corpus doctrinal, sont des superstitions auxquelles s'attachent les esprits " incultes ", " ignares ", " arriérés ", " faibles ", et semblent comme les ultimes miasmes laissés par de longs siècles d'obscurantisme. Il y a aussi comme une vaste et impalpable brume qui recouvre les arrière-fonds des âmes, qui se condense soudain dans l'effroi, l'angoisse, la crise, les histoires qu'on raconte le soir à la veillée, puis se dissipe dans le grand jour, le calme, la lucidité. Il y a encore les ectoplasmes, sans conséquence croit-on, de la poésie, du rêve...

D'autre part, ces magies se réfugient et se rassemblent dans des sectes doctrinaires qui, elles, prétendent détenir les secrets des vraies sciences, cultivent le mystère et la sacralité d'une grande vérité oubliée. Si hétérogènes que soient ces " sciences occultes ", elles restituent, Si on les rassemble, un système magique total la voyance permet de surmonter l'obstacle du temps ; la télépathie, celui de l'espace ; le spiritisme permet de communiquer avec l'au-delà ; et la chiromancie et l'astrologie permettent de lire, selon deux codes différents, le même grand message cosmologique. Aussi toutes ces sciences constituent-elles ensemble une unité syncrétique que Papus englobe fort bien sous le nom d'occultisme.

L'occultisme semblait promis à un irrémédiable dépérissement auX yeux de l'observateur rationaliste du XIX siècle. En fait, nous voyons aujourd'hui qu'il constituait un bouillon de culture. Dès 1848 en Angleterre, quelques années plus tard en France, la très archaïque croyance aux fantômes renaissait non plus dans les campagnes arrierées mais au coeur des maisons urbaines et se répandait très rapidement. Le spiritisme se répandait par la grande brèche que la science conquérante et la religion refluante, loin de colmater, ouvraient encore plus la brèche de la mort. En effet, la civilisation scientifique-technique-capitaliste-bourgeoise-urbaine est en même temps la civilisation du développement de l'individu et tous les progrès de l'individualisme ne pouvaient, surtout avec le reflux de l'immortalité chrétienne, qu'élargir et approfondir l'insupportable douleur causée par la mort des proches, l'angoisse de sa propre mort, la recherche d'un au-delà de survie. Et, dernier-venu ressuscitant le premier remède à la mort, le spiritisme inaugurait le retour de l'archaïsme au sein de la modernité.

La mort n'est qu'un des lieux où s'établit une liaison nouvelle entre l'archaïsme (la magie) et la subjectivité moderne. Déjà, cette subjectivité avait exprimé sa vision et son aspiration dans la poésie romantique ; elle parlait de voyance, de bouche d'ombre, d'alchimie, de micro-macrocosme, de magie. En effet, le romantisme n'était pas seulement une réaction de l'intelligentsia au monde bourgeois, prosaïque, positif ; il témoignait de la montée de la subjectivité en contrepoint avec le progrès de l'objectivité. La civilisation occidentale, en dissociant le sujet humain du monde objectif, amorçait une dialectique permanente qui pouvait prendre la forme d'une dualité dramatique.

Ainsi la brèche par où revient la magie est ouverte par le développement même de la civilisation. Le développement de l'individu pose avec de plus en plus d'inquiétude ou de virulence le problème de la subjectivité dans un univers qui est de plus en plus conçu objectivement par la science, car il n'y apas de science du sujet, il n'y a pas de science de l'avenir du sujet. Or les para-psychologies, à quoi il faut joindre la psycho-astrologie et la chirologie, prétendent constituer la science du sujet ; la voyance, l'astrologie prédictive, la chiromancie, le spiritisme prétendent constituer la science de l'avenir du sujet.

Mais l'occultisme ne peut être reçu ou conçu comme science, sauf chez quelques esprits marginaux. C'est qu'il y a d'énormes résistances culturelles. Aux yeux aussi bien des religions officielles que du rationalisme scientiste, les croyances occultes ne sont que des absurdités, dénuées de fondement rationnel et de preuves matérielles. Il fallait attendre que s'affaiblisse la vigueur du rationaliste militant, que s'affaiblisse l'espoir que la science puisse d'elle-même apporter les solutions fondamentales aux affaires humaines. Il fallait que le développement civilisationnel de l'individualisme encore à ses débuts, limité aux classes les plus aisées, s'étende et s'approfondisse. Il fallait aussi l'essor de la grande presse commerciale, de la culture de masse, pour que les mass-media, véritables radars et dragueurs des zones obscures de la consommation psychique, assurent le développement de l'astrologie de masse.

En effet, c'est la grande presse qui soudain condense et utilise le brouillard de superstitions ", et crée des rubriques astrologiques. Pour cela elle fait sortir des astrologues de l'underground. Ainsi, ce qui a été séparé et disloqué par le siècle de Louis XIV et le siècle des Lumières se rejoint et se retrouve dans le siècle des mass-media. L'astrologie de masse prend son essor.

L'intégration dans la modernité

La percée s'opère dans les années 1930 et, à partir de ce moment, l'astrologie se développe, bien qu'en contradiction avec la philosophie scientifique-rationnelle~empirique du monde moderne comme avec les grandes religions et les idéologies politiques c'est qu'elle répond à sa façon, et à son niveau, au développement individualiste du monde moderne.

Du reste, la nouvelle astrologie établit un compromis avec l'esprit positif ; elle se désoccultise, se désésotérise, laisse dans l'ombre son fondement anthropo-cosmologique (qui ne réémergera qu'après 1960 avec la " nouvelle gnose "). Une aile nouvelle de l'astrologie, depuis Choisnard, entend même se réconcilier avec la science ; elle se réfère non plus au grand secret du passé, mais aux données électromagnétiques, aux champs de force galactiques, aux vérifications ou prétendues vérifications expérimentales ou statistiques

D'autre part, l'astrologie se désoccultise en s'adaptant au marché culturel qui nourrit massivement l'individualité moderne. Elle se démocratise, dans la mesure où elle se standardise, selon la logique de consommation de masse. Elle s'offre à tous et a chacun, ce qui du reste est loin d'empêcher le développement d'une astrologie d'élite, réservée a la richesse et a la culture.

Enfin, et surtout, l'astrologie moderne se voue à l'individu, à la fois dans sa praxis extérieure et dans sa vie intérieure, c'est-à-dire à l'atome social et au sujet.

L'individu est devenu atome social, dans le sens où la civilisation urbaine moderne ouvre à l'autodétermination personnelle des sphères qui autrefois étaient régies par la coutume, la parenté, le voisinage (amitiés, amours, mariage, travail). Il doit affronter de façon multipliée le problème du choix, de la décision, de l'aléa, de la prévision. Or, même au niveau " managérial ", les calculs, les prévisions scientifiques, la théorie des jeux (laquelle ne vaut que pour des joueurs " rationnels " et ignore donc " l'irrationalité " du sujet) ne peuvent embrasser les myriades d'interférences qui tissent le devenir. L'atome ne peut donc disposer d'une science de l'action et d'une science de l'avenir ; il ne peut que jouer plus ou moins " fétichiste-ment " dans la béance d'indétermination. C'est dans cette béance que l'astrologie-recours et l'astrologie-secours lui apportent une aide prévisionnelle, décisionnelle, antialéatoire. Et c'est dans tous les problèmes du " Que faire ? ", depuis les désarrois économiques, familiaux et moraux jusqu'aux désarrois dirigeants et " managériaux ", que monte l'appel vers l'astrologie.

Mais le vrai terrain de l'astrologie moderne, c'est le sujet. Rappelons : la science donne des moyens d'action au sujet, elle ne peut concevoir le sujet lui-même. Le sujet n'est autre que le résidu irrationnel de l'objectivité scientifique '. De fait, partout où elle intervient, la subjectivité apporte l'irrationalité, l'aléa, l'incertitude. Or l'astrologie moderne se pose précisément en science du sujet et de la relation intersubjective : c'est ce qui a été nommé, dans cette étude, psycho-astrologie et astrologie relationnelle, dont les développements sont Si remarquables, à la fois dans l'astrologie de masse et dans l'astrologie cultivée. De fait, l'astrd-psychologie prend la place d'une science de la personnalité qui n'existe pas encore, ou du moins que la psychanalyse ne fait que griffonner. Du reste, comme la psychanalyse, l'astrologie plonge dans les profondeurs de lapsyché, y apporte son code symbolique, ses modèles systémiques et structuraux. Plus encore que la psychanalyse, elle offre au sujet, pour qu'il se reconnaisse, un discours métaphorique qui parle à la fois le langage d'un savoir et son propre langage subjectif. Elle apporte au sujet une réponse à l'obscurité mystérieuse de sa propre identité. Et, continuant là où la psychanalyse s'arrête, elle lui reconnaît et lui définit sa propre singularité en l'initiant à l'information générative - son Karma, son A.D.N. astral -, qui détient les potentialités et les ferments de son destin

Ainsi l'astrologie est subjectivement fascinante. Mais, Si la subjectivité peut être fascinée par l'astrologie, l'astrologie est prisonnière de la subjectivité. Car l'individu n'est pas qu'une conscience objective. L'individu est le siège d'une double conscience. La pensée archaïque était une combinaison étroite de cette double conscience. Dans les temps modernes, il y a au contraire dualité et concurrence. C'est dans cette dualité que se situe l'astrologie moderne. En effet, dans son caractère dominant, l'astrologie d'aujourd'hui est ambivalente ; les termes de demi-croyance, croyance ludique, croyance intermittente doivent être accolés pour tenter d'en rendre compte. C'est que la croyance est à la fois entretenue par la conscience subjective et minée par la conscience objective. Elle correspond àquelque chose de profond, qui, émergeant à la surface, tend à se colorer de gêne ou de honte, à se disperser.

Quand la croyance s'affirme au grand jour, les fondements anthropo-cosmologiques demeurent immergés, camouflés, et ce sont les vérifications objectives qui sont mises en relief.

Ainsi l'astrologie ne peut rentrer dans la conscience moderne que par un passage en chicane entre subjectivité et objectivité. Mais c'est bien en jouant ce double jeu, en jouant à la science pour justifier sa magie, en faisant jouer sa magie pour camoufler sa " nescience ", qu'elle a pu pénétrer et se répandre dans le champ social et culturel.

Le courant astrologique traverse l'étendue du champ social, et, dans ce sens, il n'y a pas d'astrologie implantée principalement dans une classe sociale. Toutefois l'astrologie est polarisée selon les grandes inégalités sociales.

Ainsi on peut parler d'une astrologie bourgeoise et d'une astrologie d'intelligentsia par rapport à l'astrologie de masse. Grosso modo, l'astrologie d'élite (bourgeoise, d'intelligentsia) et l'astrologie de masse constituent les deux niveaux hiérarchisés d'une astrologie de civilisation bourgeoise.

L'astrologie de masse, toutefois, ne s'étend pas de façon indifférenciée sur la majorité de la population. Ce sont surtout les couches sociales détachées des croyances traditionnelles, mais faiblement idéologisées, faiblement policisées (C'est à dire ignorant les structure, le fonctionnement, l'économie de la polis), rebrassées dans les nouveaux milieux urbains, en voie d'accession aux nouveaux standards d'individualité, qui sont le plus sensibles à l'astrologie. Ainsi les urbains sont beaucoup plus fortement " astrologisés " que les ruraux, et, parmi les urbains, les femmes et les jeunes.

Culturellement, bien qu'ayant rencontré de très fortes résistances dans la " haute culture ", l'astrologie y dispose désormais de têtes de pont (astrologie cultivée). Mais c'est dans la culture de masse qu'elle est diffusée de façon extrêmement large et rapide à partir des années 1930.

C'est dans la culture de masse que s'est opérée une intégration décisive. La culture de masse, jusqu'en 1960-1965 environ, a répandu le mythe et la promesse du bonheur individuel. Elle a rejeté le trouble, l'échec, le malheur et tous ses produits de consommation psychique ont été dotés d'un caractère euphorisant. En développant l'astrologie de masse, la culture de masse lui a inoculé l'euphorisation. L'horoscope du quotidien comme la prédiction de Madame Soleil écartent toute éventualité catastrophique comme tout problème insoluble, ignorent le désastre et la mort et entretiennent de façon continue, sinon le grand espoir, du moins les petites espérances. Dans ce sens, l'astrologie de masse a été et demeure encore aujourd'hui un facteur d'intégration dans la civilisation bourgeoise. Non seulement elle tend à atomiser les problèmes collectifs et sociaux en problèmes du destin personnel, mais aussi elle entretient les espérances et les résignations dont a besoin notre civilisation.

Astrologie de crise

Mais ce serait une erreur de s'en tenir à ces aspects intégrateurs. Un certain nombre de symptômes nous indiquent que l'astrologie, sous un autre aspect et sous d'autres auspices, intervient dans la crise culturelle ou civilisationnelle qui semble devoir atteindre notre société.

L'individualisme bourgeois, au-delà d'un certain seuil d'accomplissement, a commencé à ressentir ses carences, la solitude, l'angoisse. La grande ville, auparavant libératrice, fait peser des contraintes que fuit dans le week-end celui qui peut. La rationalisation technologique a unidimensionnalisé une existence qu'enserre de plus l'organisation bureaucratique. Le bien-être, pour ceux qui l'ont acquis, n'est plus une promesse infaillible de bonheur. La science et la raison ne sont plus porteuses providentielles de libération et de progrès. Les contraintes sociales ne sont plus acceptées comme des fatalités inexorables, mais les libertés acquises apportent aussi l'inquiétude et l'errance. Le savoir scientifique a brisé en miettes les mythologies unissant l'homme au monde et ouvert une béance sans pouvoir même proposer une intelligibilité générale. Amorce de crise ? Malaise civilisationnel ? Recherche ?

Toujours est-il que la culture de masse elle-même traduit la nouvelle situation. L'euphorisation recule, tandis que progresse la problématisation. A la mythologie du bonheur succède le problème du bonheur. A l'amour-solution succède l'arnour-problème.Le vieillissement n'est plus seulement masqué et fardé, il exprime son inquiétude ; le sexe et la relation parents-enfants, le mariage, le couple posent leurs questions. Hors de la culture de masse, dans la vie quotidienne, les retours à la rusticité, à la nature, à l'identité, aux sources, qui semblaient des courants régulateurs ou correcteurs, deviennent des contre-courants qui vont confluer dans une recherche de l'arkhe, principe primordial, secret, fondement perdu. Le néomodernisme prend de plus en plus figure de néo-archaïsme, qui atteint parfois une force de rupture, comme dans le phénomène hippie ou les communes californiennes. Et, dans ces vastes mouvements encore ébauchés, informes, on voit surgir du no man 's land culturel, s'exhumant enfin de l'occultisme comme d'une chrysalide, le visage d'une " nouvelle gnose ".

-" Planète " a été, au début des années soixante, à la fois l'émergence et l'expression de la " nouvelle gnose ", ou se retrouvent côte àcôte le zen, Huxley, Krishnamurti, les " extra-terrestres ", Teilhard de Chardin. Dans la " nouvelle gnose " se rassemblent et s'entremêlent, de façon syncrétique, des thèmes issus des croyances ou des philosophies les plus diverses, non seulement les conceptions jusqu'alors rejetées dans l'ancien underground de la culture occidentale, mais aussi des germes extrêmes-orientaux, des panthéismes ou panscientismes évolutionnistes annonçant un homme du futur, des informations ou des suggestions cueillies aux frontières de la science, évoquant l'anti-matière ou les astres invisibles. Tous ces apports sont immergés dans un bain de religiosité, de mystère, de mysticisme diffus, et ils ont pour trait commun de ne pas séparer le sujet du cosmos.

La " nouvelle gnose " constitue désormais une culture parallèle, se diffusant dans la béance entre la " haute culture " et la culture de masse, mordant sur l'une et sur l'autre. Mais cette béance coïncide aussi avec l'autre béance, plus profonde, radicale, peut-être, au sein de la civilisation.

Une dépression culturelle s'est creusée et, dans cette dépression, le sujet semble vouloir déglutir l'individualisme bourgeois qui l'avait jusqu'alors nourri. Quelque chose a craqué dans la philosophie d'Occident. Où ? A quel niveau de profondeur se situe la dépression où s'engouffrent pêle-mêle les rêves du pàssé et les rêves du futur, la nouvelle gnose " et les prédications révolutionnaires ?

La " nouvelle gnose " brasse elle-même les nostalgies d'une vérité perdue, la prophétie apocalyptique, les espérances d'un monde nouveau. Aussi est-elle présente dans les ébauches de révolution existentielle ou culturelle qui apparaissent ici et là. Déjà, du reste, le surréalisme, prélude de révolution culturelle, avait fait tourbillonner en lui l'archaïque magie et la prophétique révolution. Mais sa tempête, durant l'ère triomphante de la modernité bourgeoise, était demeurée enfermée dans le verre d'eau de la littérature. Avec le phénomène hippie et, plus largement, ce qu'on appelle " contre-culture ", la " nouvelle gnose " est incluse, souvent de façon virulente et opératoire, dans l'exigence révolutionnaire de changer de vie. Et l'astrologie, dans sa base anthropo-cosmologique, participe à l'annonce messianique des temps nouveaux : l'ère salvatrice du Verseau - Aquarius -, qui ouvre un nouveau cycle aux enfants du limon.

DIAGNOSTIC

Ainsi le développement de l'astrologie, depuis le milieu de ce siècle et jusqu'à aujourd'hui, est favorisé et par la modernité et par la crise de la modernité. Dans la modernité s'intègre son développement individualiste, qui lui-même joue un rôle culturellement intégrateur, en colmatant les brèches anxiogènes. Dans la crise de la modernité s'insère son aspect jusqu'alors immergé, qui est le plus archaïque et le plus fondamental : l'anthropo-cosmologie, qui raccorde le sujet atomisé à un cosmos vivant.

La modernité continue son développement et elle est pourtant en même temps en crise. L'astrologie continue à jouer son rôle intégrateur mais joue un rôle désintégrant dans la crise culturelle et civilisationnelle. Sauf modification brutale dans le cours historique de notre société - et l'hypothèse n'est nullement exclue -, on peut diagnostiquer que le courant astrologique n'est pas près de s'affaiblir.

L'astrologie moderne, en conclusion, ne peut être considérée comme mode superficielle ou superstition d'ignorance. Elle n'est pas non plus une nouvelle religion, un mythe dévastateur. L'essentiel de l'insertion astrologique se situe dans une zone clignotante de croyance, à demi sceptique, à demi lucide, souvent intermittente. C'est sa façon de s'infiltrer à travers les défenses culturelles positivistes-rationalistes, mais c'est aussi leur façon de la contenir.

Cette " croyance clignotante " concerne quelque chose qui est au profond et au vif du Sujet. C'est là sa force, d'où son extraordinaire diffusion dans toutes les couches de la société, dans les divers secteurs de la culture. Mais c'est aussi sa faiblesse : sa carence objective. Bien que leur empire soit ébréché, règnent sur de nombreux secteurs de la vie les vérités terre-à-terre et la conception positiviste-empiriste-rationnelle du monde ; l'esprit critique, très émoussé quand il s'agit de détecter la fable ou la magie dans la politique, est demeuré relativement vigilant sur ce créneau de bataille. De ce point de vue, l'astrologie souffre toujours d'inconsistance empirique : les justesses de ses analyses sont trop floues ou ambivalentes, ses erreurs de prédiction trop nombreuses ; elle souffre également d'absurdité logique. Pour que l'astrologie soit logiquement fondée, il faudrait supposer que l'être humain, qui dispose de deux informations génératives, l'une inscrite dans l'A.D.N., l'autre inscrite dans le système culturel de sa Société, dispose d'une troisième information générative, qui serait inscrite dans le ciel zodiacal de sa naissance, et qui, dans la constitution de la personnalité individuelle, réduirait à un rôle purement superficiel la portée des deux autres informations.

Cela n'est pas absolument impossible, mais cela n'est évidemment pas croyable. La croyance, une fois de plus, part de ce qui est l'énigme première et la perturbation permanente de toute science objective le sujet. Si la science actuelle ne rend pas compte du sujet, Si l'astrologie est une fausse science, alors il nous faut chercher la scienza nuova.

Sous la direction de Edgar Morin
Claude Fischler, Philippe Defrance, Lena Petrossian

La croyance astrologique moderne diagnostic sociologique
Nouvelle édition revue par Claude Fischler, Lausanne, l'Age d'Homme, 1981

La première édition est parue sous le titre "Le Retour des Astrologues", 4e trimestre 1971. Club de l'Obs. Supplément au n°367 du Nouvel Observateur

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