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Auteurs      P

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A l'ombre du POLAR   
Historique du polar et de quelques collections françaises célèbres, fiches biographiques sur des auteurs, chroniques, dossiers… Une bonne introduction générale pour ceux qui veulent aborder le genre.  

Blaise PASCAL  Dossier de l'Encyclopédie de l'Agora

Pier Paolo PASOLINI

Pier Paolo PASOLINI (1)     
Chronologie et Bibliographie  par Maria Antonietta Macciochi.  Textes de Enzo Siciliano, Alberto Moravia, Hervé Joubert-Laurencin, Nico Naldini. Le dossier comprend de nombreuses citations comme des extraits de la correspondance. 
Un siècle d'écrivains, FR3 à partir de www.archive.org 

Pier Paolo Pasolini  (2)   /nombreuses langues/
Ce site consacré à la vie et à l'œuvre de Pier Paolo Pasolini existe en plusieurs langues.
Sur la version française, vous trouvez une présentation de la vie et l'œuvre de Pasolini et des textes de Pasolini. (26-01-03)

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Boris PASTERNAK    
Un siècle d'écrivains, FR3 à partir de www.archive.org 

Jean PAULHAN    
 
" Comment concilier l’éditeur et le directeur de la NRF qui a rayonné au centre des lettres françaises pendant près de cinquante ans, le citoyen engagé, l’amateur d’art moderne, en même temps que l’écrivain secret, auteur d’une trentaine de livres aux titres souvent énigmatiques, avant tout curieux de traverser les apparences, possédé par la question du langage ?"  " Paulhan le chercheur d’or, Paulhan l’éminence grise, Paulhan le Chinois, Paulhan le coupeur de cheveux de chauve, Paulhan le cruel, Paulban I’enzymatique, Paulhan la huitième merveille du monde, Paulhan le subversif, Paulhan le danseur intellectuel... j’en passe, j’en passe. Ce ne sont pas les renseignements qui manquent. Rien à dire. Que d`hommes en un! A se demander s’il existe."     Biographie de Jean-Yves Pouilloux : Dictionnaire des auteurs. Frédéric J; Grover : Six entretiens avec André Malraux sur des écrivains de son temps (1959-1975). Madeleine Chapsal : Quinze écrivains: entretien avec Paulhan. Textes de Roger Judrin, André Dhôtel, Georges Perros . Lettres aux directeurs de la Résistance. Bibliographie détaillée d'André Dhôtel.  Un siècle d'écrivains, FR3 à partir de www.archive.org 

Charles PÉGUY Dossier de l'Encyclopédie de l'Agora

Georges PEREC

Georges PEREC   
Réalisé avec le concours de l'Association Georges Perec, ce site se présente comme une immense base de données recensant toutes les études (ouvrages, articles, thèses, mémoires...) effectuées autour de l’œuvre de Georges Perec, en France et à l’étranger. Ces études, dont certaines sont accessibles en ligne, sont classées en trois catégories : « ouvrages », « transverses » (thématiques chères à l’auteur de La vie mode d’emploi), et « traces » (biographie, autobiographies, monographies. Dans une seconde partie, l’auteur de ce site s’est amusé à illustrer Les voyages de Percival Bartlebooth, extrait de La vie mode d’emploi, en proposant, pour chaque étape du fameux voyage, un lien vers une page relative à la destination évoquée.

Georges Perec : à corps perdus par Raoul Delemazure (16-01-13)

Pistes vers Georges PEREC (22-02-04)

Dossier Georges PEREC Remue.net. (14-11-04)

Manet van Montfrans / Georges Perec: visite au cabinet du falsificateur Remue.net (14-11-04)

Georges PEREC, Un homme qui dort,1967, premières pages.

Georges PEREC, La Disparition, avant-propos

Georges PERROS

Georges PERROS   
"
Un corps. J’ai un corps. Vous avez un corps. Nous… Qui a la parole. Alors je parle, etc. Pendant que je parle, etc. le corps bouge. Si je mens, il rougit. Qui le fait rougir ? Y aurait-il par hasard — ce serait le contraire du hasard — un rapport entre les mots que je prononce, et la caverne dans laquelle ils se forment, prennent corps. (De là à ne plus du tout écouter les hommes, mais à les regarder, il n’y a qu’un pas, malheureusement infranchissable. Car les regarder, c’est se regarder les regardant."  Notes d'enfance par G Perros. Biographie par Gilbert Minazzoli. Textes de Jean Roudaut, Guy Darol, Jérôme Garcin, Jean-Marie Gibbal, Christiane Baroche, Bernard Guillemot. Georges Perros : Lettre Préface. Bibliographie sélective.  Un siècle d'écrivains, FR3 à partir de www.archive.org 

Georges PERROS
Actualité, bibliographie, liens, textes en ligne. Un site d'amateur pour un écrivain injustement méconnu qui mérite vraiment le détour et surtout de reprendre ses "Papiers collés. . (25-12-04)

Fernando PESSOA

Extrait d'une oeuvre

Fernando PESSOA  Dossier de l'Encyclopédie de l'Agora.

Association des amis de Fernando PESSOA   
Recueil de textes qui informent sur le travail de cet écrivain.

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Robert PINGET Textes et ressources publiés sur le site remue.net (16-05-04)

 

Luigi PIRANDELLO

Luigi PIRANDELLO, Le Portail 
Le portail incontournable sur Pirandello en italien. L'intégralité de l'œuvre (poésie, théâtre, romans, nouvelles, essais, etc.) de Pirandello y est en accès libre (pour un usage personnel et non commercial). Est également proposée une biographie détaillée de l'écrivain.
Tous les lecteurs italianisants auront également la surprise de trouver également sur ce site l’intégralité des nouvelles de Giovanni Verga, l'un des fondateurs du mouvement vériste italien. (14-04-03)

Luigi PIRANDELLO  Dossier de l'Encyclopédie de l'Agora.

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Harold PINTER / anglais /
Prix Nobel de Littérature 2005. Le site, en anglais, propose une biographie de l'auteur né 1930, ainsi qu'un tour d'horizon détaillé de son oeuvre, tant dans le domaine du cinéma, de la prose, du théâtre ou de la poésie. On consulte également des notes personnelles de Harold Pinter, des liens, une actualité et bien d'autres informations intéressantes. (07-08-06)

Edgar Allan POE   Dossier de l'Encyclopédie de l'Agora.

Edgar Allan Poe (1809-1849) Le Démon de Perversité traduction de Charles Baudelaire. Texte en ligne (23-08-07)

Francis PONGE     
Repères chronologique par
Eric Pellet. Entretien avec Serge Koster.  Textes de Anna Balakian, J.M Gleize, Jacques Réda, Francis Ponge, Robert W. Greene.  Bibliographie de Serge Koster.  Un siècle d'écrivains, FR3 à partir de www.archive.org 

Jean Potocki Dossier La Revue des ressources. (18-02-05)

Harry Potter Lexico
L'un des sites les plus complets consacrés à Harry Potter (30-06-08)

Vladimir POZNER
Le site propose des extraits de presse sur l'écrivain du XXème siècle et alertera l'internaute de tous les évènements tournant autour de l'artiste, notamment durant l'année 2005, année du centenaire de sa naissance. On y trouve ses livres, et des témoignages de personnalités telles qu' Aragon, Breton,Caldwell, Cendrars, Chklovski, Kessel, Mann, Soupault, etc. (30-03-06)

Marcel PROUST

Marcel PROUST    
Société des amis de Marcel de Proust et des Amis de Combray. L'actualité de Proust. Extraits de l'oeuvre.

Marcel PROUST  Centre de recherches Kolb/Proust  
Université de l'Illinois. Nous devons à Philip Kolb, universitaire américain, l'étude et la publication de la correspondance de Marcel Proust. Une partie de ces documents est accessible aux chercheurs et aux étudiants, grâce à une base textuelle interrogeable sur ce site. Deux fichiers sont consultables : l’un est bibliographique (période 1884-1991), l’autre est chronologique et rassemble les épisodes de la vie de Proust et de ses proches, datés de manière certaine (période 1844-1909). Au sommaire également, la présentation du centre Philip Kolb et de ses autres ressources (non encore mises en ligne), une brève biographie littéraire de Marcel Proust, les fameux questionnaires, des ouvrages de base sur l'écrivain, une page de liens très fournie et une page dédiée au suivi de l'actualité proustienne.  

Marcel PROUST, l'écriture et les arts   (31-03-13)    
Exposition à la BNF

Marcel PROUST, Dossier de l'Encyclopédie de l'Agora.  
Ressources françaises et étrangères. (23-04-03)

Céleste ALBABRET (dernière "femme de chambre" de Marcel Proust), extraits d'un témoignage publié en 1971. NOUVEAU (07-03-04)

Marcel PROUST
Dossier de Thierry Laget pour l'ADPF, Ministère des Affaires Etrangères. (17-10-04)

"Marcel Proust, exemplaire" par Jean-Yves Tadié conférence

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Olivier PY
Un dossier du site Remue.net (16-10-05)

 

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Liens brisés

 © LittératureS & CompagnieS
R31-03-13

Marcel Proust  A la recherche du temps perdu

Il n'y a rien comme le désir pour empêcher les choses qu'on dit d'avoir aucune ressemblance avec ce qu'on a dans la pensée. Le temps presse, et pourtant il semble qu'on veuille gagner du temps en parlant de sujets absolument étrangers à celui qui nous préoccupe. On cause alors que la phrase qu'on voudrait prononcer serait déjà accompagnée d'un geste, à supposer même que, (pour se donner le plaisir de l'immédiat et assouvir la curiosité qu'on éprouve à l'égard des réactions qu'il amènera) sans mot dire, sans demander aucune permission, on n'ait pas fait ce geste.

Il semble que les événements soient plus vastes que le moment où ils ont lieu et ne peuvent y tenir tout entiers. Certes, ils débordent sur l'avenir par la mémoire que nous en gardons, mais ils demandent aussi une place au temps qui les précède. Certes, on dira que nous ne les voyons pas alors tels qu'ils seront, mais dans le souvenir ne sont-ils pas aussi modifiés?

Mais même au point de vue des plus insignifiantes choses de la vie, nous ne sommes pas un tout matériellement constitué, identique pour tout le monde et dont chacun n'a qu'à aller prendre connaissance comme d'un cahier des charges ou d'un testament; notre personnalité sociale est une création de la pensée des autres. Même l'acte si simple que nous appelons "voir une personne que nous connaissons" est en partie un acte intellectuel. Nous remplissons l'apparence physique de l'être que nous voyons de toutes les notions que nous avons sur lui, et dans l'aspect total que nous nous représentons, ces notions ont certainement la plus grande part. Elles finissent par gonfler si parfaitement les joues, par suivre en une adhérence si exacte la ligne du nez, elles se mêlent si bien de nuancer la voix comme si celle-ci n'était qu'une transparente enveloppe, que chaque fois que nous voyons ce visage et que nous entendons cette voix, ce sont ces notions que nous retrouvons, que nous écoutons.

 

 

Fernando Pessoa  Le livre de l'intranquillité
traduit du portugais par Françoise Laye

Personne encore n'a défini, dans un langage pouvant être compris de ceux-là mêmes qui n'en ont jamais fait l'expérience, ce qu'est l'ennui. Ce que certains appellent l'ennui n'est que de la lassitude; ou bien ce n'est qu'une sorte de malaise; ou bien encore, il s'agit de fatigue. Mais l'ennui, s'il participe en effet de la fatigue, du malaise et de la lassitude, participe de tout cela comme l'eau participe de l'hydrogène et de l'oxygène dont elle se compose. Elle les inclut, sans toutefois leur être semblable.

Si la plupart donnent ainsi à l'ennui un sens restreint et incomplet, quelques rares esprits lui prêtent une signification qui, d'une certaine façon, le transcende: c'est le cas lorsqu'on appelle ennui ce dégoût intime et tout spirituel qu'inspirent la diversité et l'incertitude du monde. Ce qui nous fait bâiller, et qui est la lassitude; ce qui nous fait changer de position, et qui est le malaise; ce qui nous empêche de bouger, et qui est la fatigue - rien de tout cela n'est vraiment l'ennui; mais ce n'est pas non plus le sens profond de la vacuité de toute chose, grâce auquel se libère l'aspiration frustrée, se relève le désir déçu et se forme dans l'âme le germe d'où naîtra le mystique ou le saint.

L'ennui est bien la lassitude du monde, le malaise de se sentir vivre, la fatigue d'avoir déjà vécu; l'ennui est bien, réellement, la sensation charnelle de la vacuité surabondante des choses. Mais plus que tout cela, l'ennui c'est aussi la lassitude d'autres mondes, qu'ils existent ou non; le malaise de devoir vivre, même en étant un autre, même d'une autre manière, même dans un autre monde; la fatigue, non pas seulement d'hier et d'aujourd'hui, mais encore de demain et de l'éternité même, si elle existe - ou du néant, si c'est lui l'éternité.

Ce n'est pas seulement la vacuité des choses et des êtres qui blesse l'âme, quand elle est en proie à l'ennui; c'est aussi la vacuité de quelque chose d'autre, qui n'est ni les choses ni les êtres, c'est la vacuité de l'âme elle-même qui ressent ce vide, qui s'éprouve elle-même comme du vide, et qui, s'y retrouvant, se dégoûte elle-même et se répudie.

L'ennui est la sensation physique du chaos, c'est la sensation que le chaos est tout. Le bâilleur, le maussade, le fatigué se sentent prisonniers d'une étroite cellule. Le dégoûté par l'étroitesse de la vie se sent ligoté dans une cellule plus vaste. Mais l'homme en proie à l'ennui se sent prisonnier d'une vaine liberté, dans une cellule infinie. Sur l'homme qui bâille d'ennui, sur l'homme en proie au malaise ou à la fatigue, les murs de la cellule peuvent s'écrouler, et l'ensevelir. L'homme dégoûté de la petitesse du monde peut voir ses chaînes tomber, et s'enfuir; il peut aussi se désoler de ne pouvoir les briser et, grâce à la douleur, se revivre lui-même sans dégoût. Mais les murs d'une cellule infinie ne peuvent nous ensevelir, parce qu'ils n'existent pas; et nos chaînes ne peuvent pas même nous faire revivre par la douleur, puisque personne ne nous a enchaînés.
Voilà ce que j'éprouve devant la beauté paisible de ce soir qui meurt, impérissablement. Je regarde le ciel clair et profond, où des choses vagues et rosées, telles des ombres de nuages, sont le duvet impalpable d'une vie ailée et lointaine. Je baisse les yeux vers le fleuve, où l'eau, seulement parcourue d'un léger frémissement, semble refléter un bleu venu d'un ciel plus profond. Je lève de nouveau les yeux vers le ciel, où flotte déjà, parmi les teintes vagues qui s'effilochent sans former de lambeaux dans l'air invisible, un ton endolori de blanc éteint, comme si quelque chose aussi dans les choses, là où elles sont plus hautes et plus frustes, connaissait un ennui propre, matériel, une impossibilité d'être ce qu'elles sont, un corps impondérable d'angoisse et de détresse.

Quoi donc? Qu'y a-t-il d'autre, dans l'air profond, que l'air profond lui-même, qui n'est rien? Qu'y a-t-il d'autre dans le ciel qu'une teinte qui ne lui appartient pas? Qu'y a-t-il dans ces traînées vagues, moins que des nuages et dont je doute déjà, qu'y a-t-il de plus que les reflets lumineux, matériellement incidents, d'un soleil déjà déclinant? Dans tout cela, qu'y a-t-il d'autre que moi? Ah, mais l'ennui c'est cela, simplement cela. C'est que dans tout ce qui existe - ciel, terre, univers -, dans tout cela, il n'y ait que moi!

 Fumer un cigare de prix et rester les yeux fermés - c'est cela, la richesse.

Comme un qui revient à l'endroit où il a passé sa jeunesse, je réussis, grâce à une simple cigarette à bon marché, à revenir tout entier à cet endroit de ma vie où j'avais l'habitude de fumer ce genre de cigarette. Et grâce à l'arôme léger de la fumée, tout le passé me redevient vivant.
Parfois aussi, c'est une certaine friandise. Un simple bonbon au chocolat peut me détraquer les nerfs, sous l'excès de souvenirs qui viennent m'ébranler. Mon enfance ! Et mes dents qui mordent dans la pâte sombre et moelleuse mordent aussi et savourent à nouveau les humbles joies du gai compagnon que j'étais pour mes soldats de plomb, ou du cavalier s'accommodant parfaitement du roseau transformé, pour l'occasion, en cheval. Les larmes me montent aux yeux, et je mêle à ma guise la saveur du chocolat, le bonheur passé et mon enfance perdue, tout en m'abandonnant voluptueusement à la douceur de cette souffrance.

Sa simplicité n'ôte rien de sa solennité à ce rituel de mon palais.
Mais c'est la fumée de cigarette qui recrée les jours passés avec une spiritualité particulière. C'est tout juste si elle effleure ma conscience d'avoir un palais. C'est pourquoi elle rassemble, transpose et évoque plus intensément les heures qu'en moi je suis mort, et me les rend plus présentes alors qu'elles sont plus lointaines, plus brumeuses alors qu'elles m'enveloppent, plus éthérées quand je les matérialise. Une cigarette mentholée, un cigare à bon marché voilent de douceur certains instants. Avec quelle subtile plausibilité de saveur-arôme je dresse à nouveau des décors défunts et je leur restitue les couleurs de leur passé, toujours si délicatement dix-huitième siècle dans son détachement malicieux et las, et toujours si moyenâgeux dans ce qu'il comporte d'irrémédiablement aboli.

 

ÉCRIRE
Écrire, c'est ébranler le sens du monde, y disposer une interrogation indirecte,  à laquelle l'écrivain, par un dernier suspens, s'abstient de répondre. La réponse, c'est chacun de nous qui la donne, y apportant son histoire, son langage, sa liberté ; mais comme histoire, langage et liberté changent infiniment, la réponse du monde à l'écrivain est infinie : on ne cesse jamais de répondre à ce qui a été écrit hors de toute réponse : affirmés, puis mis en rivalité, puis remplacés, les sens passent, la question demeure. Roland Barthes, Sur Racine, Seuil ed, 1963, p11

 

Il y a une division des langages, qu'aucune science simple de la communication ne peut prendre en charge; la société, avec ses structures socio-économiques et névrotiques intervient, qui construit le langage comme un espace de guerre.
Roland Barthes, Bruissement de la Langue, p127

 

SEUL

(...) l'écrivain est seul, abandonné des anciennes classes et des nouvelles. Sa chute est d'autant plus grave qu'il vit aujourd'hui dans une société où la solitude elle-même, en soi, est considérée comme une faute. Nous acceptons ( c'est là notre coup de maître) les particularismes, mais non les singularités ; les types, mais non les individus. Nous créons (ruse géniale) des chœurs de particuliers, dotés d'une voix revendicatrice, criarde et inoffensive. Mais l'isolé absolu ? Celui qui n'est ni breton, ni corse, ni femme, ni homosexuel, ni fou, ni arabe, etc. ? La littérature est sa voix, qui, par un renversement "paradisiaque", reprend superbement toutes les voix du monde, et les mêle dans une sorte de chant qui ne peut être entendu que si l'on se porte, pour l'écouter (comme dans ces dispositifs acoustiques d'une grande perversité), très haut au loin, en avant, par-delà les écoles, avant-gardes, les journaux et les conversations.
Roland Barthes, Sollers écrivain, p 8, Seuil ed, 1979

 

L'AUTRE LANGUE
L'autre langue  est celle que l'on parle d'un lieu politiquement et idéologiquement inhabitable : lieu de l'interstice, du bord, de l'écharpe, du boitement : lieu cavalier  puisqu'il traverse, chevauche, panoramise et offense.

Roland Barthes, Bruissement de la Langue, p200, in"L'Etrangère",1970

LA  BATHMOLOGIE
La bathmologie ce serait le champ des discours soumis à un jeu de degrés. Certains langages sont comme le champagne : ils développent une signification postérieure à leur première écoute, et c'est dans ce recul du sens que naît la littérature.
Roland Barthes, Bruissement de la Langue, p 285, "Lecture de Brillat-savarin"

 

LE PLURIEL DU TEXTE
Le Texte est pluriel. Cela ne veut pas dire seulement qu'il a plusieurs sens, mais qu'il accomplit le pluriel même du sens : un pluriel irréductible (et non pas seulement acceptable). Le Texte n'est pas coexistence de sens, mais passage, traversée ; il ne peut donc relever d'une interprétation, même libérale, mais d'une explosion, d'une dissémination. Le pluriel du Texte tient, en effet, non à l'ambiguïté de ses contenus, mais  à ce que l'on pourrait appeler la  pluralité stéréographique  des signifiants qui le tissent (étymologiquement le texte est un tissu) : le lecteur du Texte pourrait être comparé à un sujet désœuvré (qui aurait détendu en lui tout imaginaire) : ce sujet passablement vide se promène (c'est ce qui est arrivé à l'auteur de ces lignes, et c'est là qu'il a pris une idée vive du Texte) au flanc d'une vallée au bas de laquelle coule un oued (l'oued est mis là pour attester un certain dépaysement) ; ce qu'il perçoit  est multiple, irréductible, provenant de substances et de plans hétérogènes, décrochés : lumières, couleurs, végétations, chaleur, air ; explosions ténues de bruits, minces cris d'oiseaux, voix d'enfants, de l'autre côté de la vallée, passages, gestes, vêtements d'habitants tout prés ou très loin ; tous ces incidents sont à demi identifiables : ils proviennent de codes  connus, mais leur combinatoire est unique, fonde la promenade en différence qui ne pourra se répéter que comme différence. C'est ce qui se passe pour le Texte : il ne peut être lui que dans sa différence (ce qui ne veut pas dire son, individualité); sa lecture semelfactive (ce qui rend illusoire toute science inductive-déductive des textes : pas de "grammaire" du texte), et cependant entièrement tissés de citations, de références, d'échos: langages culturels (quel langage ne le serait pas ?), antécédents ou contemporains, qui le traversent de part en part  dans une vaste stéréophonie.
Roland Barthes, Bruissement de la Langue, p73, in "De l'œuvre au texte", 1971

 

TEXTE DE PLAISIR
Texte de plaisir : celui qui contente, emplit, donne de l'euphorie ; celui qui vient de la culture, ne rompt pas avec elle, est lié à une pratique confortable de la lecture.
Roland Barthes, Plaisir du Texte, 1973, p25, éd de 1982

 

TEXTE DE JOUISSANCE
Texte de jouissance : celui qui met en état de perte, celui qui déconforte (peut-être jusqu'à un certain ennui), fait vaciller les assises historiques, culturelles, psychologiques, du lecteur, la consistance de ses goûts, de ses valeurs, et de ses souvenirs, met en crise son rapport au langage. Or c'est un sujet anachronique, celui qui tient les deux textes dans son champ et dans sa main les rênes du plaisir et de la jouissance, car il participe en même temps et contradictoirement à l'hédonisme profond de toute culture (qui entre en lui paisiblement sous le couvert d'un art de vivre dont font partie les livres anciens) et à la destruction de cette culture : il jouit de la consistance de son  moi  (c'est son plaisir) et recherche sa perte (c'est sa jouissance) . C'est un sujet deux fois clivé, deux fois pervers.

Roland Barthes, Plaisir du Texte, (1973), p25-26, éd de 1982

 

THEATRALITE
“ Qu'est-ce que la théâtralité ? c'est le théâtre moins le texte, c'est une épaisseur de signes, de sensations qui s'édifie sur la scène à partir de l'argument écrit, c'est cette sorte de perception œcuménique des artifices sensuels, gestes, tons, distances, substances, lumières, qui submergent le texte sous la plénitude de son langage extérieur.”

Roland Barthes, "Le théâtre de Baudelaire", 1954, in Essais Critiques, p 41

 

"LE LIVRE DES RUSES" Comme j'aimerai trouver un livre (faute de le faire moi-même) où me seraient rappelés (sous forme d'une grande traversée historique)  les rapports de l'écrivain, le pouvoir et de l'argent ! Peut- être l'écrivain est-il toujours dépendant (d'un autorité, d'une économie, d'une morale, d'un sur-moi collectif, etc...). Peut-être  n'écrit-il , quel que soit le libéralisme de sa société, qu'en trichant avec la force ? Peut-être est-elle politique perverse ? Le  "Livre  des ruses", tel s'appellerait le nouveau manuel de littérature, si ce titre n'était déjà pris.
Roland Barthes, Chroniques du Nouvel Observateur du 5/II/79

 

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