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1999-2018

 

Jean Pierre OSTENDE

Articles sur le roman LA PRESENCE

Gallimard ed, 2007

 

Jack et les apparitions, par Éric Loret


Jean-Pierre Ostende se lance à plein régime dans une course au fantastique dominée par de flagrants délices paranoïaques.

<< Son téléphone s’appelle Eric et son magnéto Philippe, en référence à des marques bien connues. Lui-même se nomme Bergman. Il est le héros d’un roman-jeu avec château matois et fenêtres allumées jusqu’à plus nuit. Jacques Bergman est également employé de l’Explorateur Club, une expérience littéraire menée depuis plusieurs années par Jean-Pierre Ostende pour explorer le monde de l’entreprise et qu’il donne régulièrement en lecture publique, par fragments. Ici, il s’agit d’auditer la tradition pour tenter d’en faire un centre de loisirs. Que notre monde politiquement faisandé révèle ses dangers en marchant sur la tête, qu’il se tende à lui-même des pièges et s’effondre dans son vide clinquant.
Délire. Expert en chausse-trapes et langues de belle-mère, Ostende s’amuse du genre fantastique, déterminé comme on le sait par l’impossibilité faite au lecteur de savoir si ce qu’on lui représente est un délire du narrateur ou une réalité «objective» : «Je sentais que dehors l’herbe bougeait, qu’elle était animée, qu’une chose transparente dans le parc au matin courait sur l’herbe et le miroir d’eau. Comme le faisait la grande chaleur parfois sur le bitume ou dans le désert. Un léger trouble, un flou. Une espèce de chose qui occupait l’esprit et n’en sortait plus et surtout ne savait plus en sortir.»
Tout est dans tout, comme chez les grands paranoïaques (Shining est cité mille fois), et l’embrouillamini gagne rapidement le lecteur qui laisse échapper la proie pour l’ombre. Ça tombe assez bien puisque c’est plutôt le sujet.
Outre le complot, la Présence est aussi assujettie à la liste, au paradigme où tout se vaut, où tout fait sens, mais, hélas, le même : «Plusieurs fois par nuit je me réveillais en sursaut. Les chevaux étaient nerveux mais je n’avais pas de chevaux. La mère des abeilles était devenue géante ? Je n’avais pas de ruche. J’écoutais la radio et il m’arrivait d’entendre : "Alors, Jack, et ces apparitions ?"[…]Je pensais que c’était seulement pour les autres, les mystiques, les télépathes, les illuminés, les films d’horreur, les leaders politiques charismatiques, les prédicateurs du Speaker’s Corner, les contes pour enfants.»
Terreur.La logique n’est pas ailleurs que dans la fiction fictionnante à toute berzingue et sur fond de mouches mortes, récurrentes, obsessionnelles. Les situations naissent de la valse des signifiants : ainsi apprend-on que, si le «terrific garden» du château, de goût anglais comme on imagine, n’a pas pu être réalisé, c’est à cause de la… Terreur, son commanditaire ayant été guillotiné en 1794.
De même, nombre de digressions paraissent se tisser autour de phrases semées dans ce jardin des lettres, comme si Ostende, amateur de crèches et autres installations, avait engrené par exemple le sibyllin («Une grand-mère punk a largement utilisé les cosaques et les spectres») et attendu que le pourtour pousse. Dans la dernière phrase, fatigué sans doute des dizaines de personnages issus de son cerveau-monde, le narrateur projette d’écrire enfin un «guide pour voyager sans rencontrer personne».
© Libération, jeudi 6 décembre 2007

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Un château en Cocagne par Astrid de Larminat

<< Le dernier livre de Jean-Pierre Ostende raconte l’histoire d’un employé d’une agence d’organisation de divertissements, en mission dans un château. Le récit de ses mésaventures compose un objet littéraire insolite.
L’écrivain Jean-Pierre Ostende est comme ces grands chefs cuisiniers qui recourent à la chimie pour révéler de nouvelles saveurs, et, plutôt que flatter le palais, préfèrent le déconcerter. Son dernier livre, La Présence (annoncé comme le premier étage d’une sorte de pièce montée romanesque), invite le lecteur à partager une expérience littéraire qui se révèle passionnante à condition qu’on aime être dérouté. À ceux qui ne jurent que par le boeuf bourguignon, elle est en revanche franchement déconseillée.
Prenez un château du XVIIIe, mobilier d’époque somptueux, parc de 60 hectares où s’ébattent lapins et écureuils, le tout entretenu comme si les propriétaires y vivaient encore : un charme fou. Placez dans ce lieu clos où tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme et éternité, un certain Jacques Bergman, employé de l’Explorateur club (agence d’entertainment qui condense toutes les logiques et techniques du monde de l’entreprise), chargé d’effectuer une étude pour transformer le château en centre de loisirs. Laissez reposer. Observez.
Un remake de « The Shining »
Au début, cela ressemble à un petit tour bucolique et burlesque. Puis - l’auteur sème des indices discrets comme des cailloux clignotants - cela tourne au remake du film The Shining. Il faut dire que le narrateur a une tendance prononcée à la paranoïa ou, plutôt, à l’animisme : il appelle son magnétophone Philippe, et son téléphone Éric ; il croit que les animaux le narguent, que le château respire, que l’orage est un serial killer, qu’une présence l’épie la nuit derrière les carreaux. Pour lui, tout est signe et fait sens. Lorsqu’il commence à lire le journal de la défunte châtelaine, on bascule carrément dans une autre dimension. Il converse avec des revenants, se prend pour la comtesse, et s’imprègne si bien de la vie de château qu’il entre dans une grande quiétude, à des années-lumière de la société psychédélique d’où il vient.
Voilà pour le corps du livre que l’auteur parsème de digressions fantaisistes, comme s’il n’opposait aucune résistance aux idées qui lui traversent la tête à mesure qu’il écrit. Paroles de chanson, slogans, répétitions (tout à coup : neuf fois le mot « étude » en quinze lignes), salves de questions sans réponse et d’allusions indéchiffrables où le lecteur s’engage comme dans des escaliers qui donneraient sur le vide, émaillent le texte. On s’étonne, on s’amuse, on s’énerve, on se demande où il veut en venir... mais on continue, épaté par ses trouvailles et son audace...
Mais jusqu’où un romancier peut-il tordre les règles du genre, mettre à mal la vraisemblance, négliger le sens d’un texte pour ne s’attacher qu’à la plastique des signes ? Ostende lui-même pose la question par métaphore interposée. Le château tel qu’il est, harmonieux et habitable, n’est-il pas une métaphore du roman traditionnel où l’on finit par entrer comme dans une réalité parallèle, s’identifiant aux personnages ? Et le parc d’attractions que le narrateur doit imaginer, une sorte de caricature du roman contemporain ? Autre symbole du récit classique : le journal de la châtelaine qui captive le narrateur au point de le plonger dans un état proche de la sagesse. Dommage que l’histoire d’Ostende ne nous « transporte » pas de la même manière, corps et âme.
Au fond, sous couvert de fiction, Ostende installe le lecteur dans son propre cerveau. Comme si on était à la Géode de la Villette, la fameuse salle de cinéma hémisphérique, on assiste à la projection de toutes ses pensées transformées et imbriquées par l’art. La séance vaut le détour même si le plaisir que cela procure est surtout cérébral.>> par Astrid de Larminat, 25-10-07, ©, le Figaro


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La littérature en ses jardins, par Alain Nicolas


<< Un écrivain isolé dans un château transformé en parc à thème : une situation de roman fantastique qui appelle un jeu sur les pouvoirs de la littérature.

Comment résister au charme de ce château et de son parc ? Tous les visiteurs aimaient « cette odeur de cire, ces fleurs dans les vases, ces magazines ouverts sur les tables basses », cette sensation de passer dans une maison habitée d’une présence vivante. Bergman, lui aussi, a cédé à la fascination. Mais très vite, pour résumer sa situation, les mots qui lui viennent sont : « Dans quel pétrin tu es ? »

Délégué par l’Explorateur Club, il doit étudier la faisabilité d’un projet de transformation de la demeure aristocratique, devenue trop coûteuse pour la Caisse des monuments historiques, en un parc d’attractions rentable. Le voilà pour trois mois in situ, avec pour seul compagnon humain l’étrange Petchnatz, mi-jardinier mi-gardien. Étrange, en effet, ce factotum qui se fait parfois appeler « Stephen Roi », qui a figuré aux côtés du célèbre Boris K. dans un film tourné au château, et interrompu pour de mystérieuses raisons. Au-delà des allées tirées au cordeau du jardin à la française, derrière les façades sereines du bâtiment sagement classique, une réalité bien moins sereine que les apparences pourrait bien s’insinuer. D’ailleurs, les amateurs de Kubrick auront reconnu une situation qui rappelle étonnamment le début de Shining. Étonnamment, car on se demande, a priori, ce que le subtil Jean-Pierre Ostende vient faire dans une fiction fantastique qui se réclame aussi ouvertement de Stephen King.

C’est que la littérature « de genre » est peut-être un fantastique terrain d’exercice pour un écrivain qui sait que tout peut advenir dans le jeu des codes et des conventions. Qu’on les respecte ou qu’on les transgresse, les lois du polar, du fantastique ou autres sont le point d’appui où peut naître un texte qui parle du monde, de l’homme et de la littérature. Jean-Pierre Ostende est de ces écrivains qui creusent tous les terrains, décapent toutes les couches des possibles du roman, pour en mettre au jour toutes les dimensions.

mystères EN série
La Présence embarque le lecteur dans une série de mystères qui se déclenchent en cascade, sur la base de légers décalages apparemment dépourvus de sens ou de conséquences. Ainsi, nous apprenons, sans que le narrateur en soit autrement alarmé, que, dans le pavillon où il est logé, deux endroits semblent attirer les mouches qui viennent y mourir. Qu’à quelques kilomètres du château se dresse une fort peu touristique centrale nucléaire. Que des arbres abattus en nombre anormal longent les allées du parc. À ces indices inquiétants s’ajoute l’histoire du château, de ses constructeurs, de ses habitants. Construit au milieu de jardins à la française à la régulière et rassurante ordonnance, il a vu un de ses occupants, à la veille de la Révolution, décider de les remplacer par une composition à l’anglaise. La courbe succède à la droite, l’accident remplace la perspective sans surprise. Mieux, ou pire, le châtelain décide de faire appel à un spécialiste des « terrific gardens ». Ruines et grottes s’agrémentent de tombes et de gibets, et c’est autant de passages vers d’autres mondes, au moins mentaux, qui s’ouvrent. À coups de pelouses et de buissons, d’arbres et de parterres, c’est un autre texte qui s’écrit, le fantastique et l’épouvante remplaçant le rationnel, le « gothique » surgissant sous la fine couche de classicisme. Comme le roman, l’art des jardins navigue entre genres, modes, époques, niveaux de lecture. Et pour mieux dire qu’on ne se débarrasse pas impunément des genres « mineurs », c’est une tentative de retour à l’origine qui est peut-être la source des événements inquiétants auxquels s’affronte le narrateur.

étrange boucle
Des « terrific gardens » de la fin du siècle des Lumières au parc d’attractions post-moderne, une étrange boucle est en train de se fermer, dont l’imaginaire du visiteur, ou du lecteur, est l’enjeu. Le concepteur de l’Explorateur Club, comme l’écrivain, est à la fois le jouet et l’acteur de ces jeux insignifiants ou mortels.

Sur ces thèmes, l’intelligence de Jean-Pierre Ostende a su composer un thriller haletant qui explore les racines de la peur dans la complexité de l’âme humaine, et le travail de la littérature dans ce paysagisme des émotions, jamais innocent, toujours plaisant. Plus qu’un tour de force, un exemple à méditer. >> Alain Nicolas © l'Humanité du 31-01-08

 

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La traversée des apparence par Valère-Marie Marchand


« La nuit, vers la fin de l’été… » Ainsi commence le dernier roman de Jean-Pierre Ostende, ainsi nous acheminons-nous vers un ailleurs qui n’a même pas besoin d’être authentifié tellement il semble aller de soi… Temps suspendu d’un château du XVIIIe siècle, réputé pour son fameux jardin à la française, ses mouches fossilisées et ses ribambelles de phénomènes non identifiés. Temps écoulé dans un pavillon de chasse, occupé, en la circonstance, par Bergman, employé de l’Explorateur Club, une société de prospection en centres de loisirs 100 % lucratifs. Temps de l’échappée belle digne d’André Dhôtel en compagnie de personnages connus pour leur seule faculté d’évasion. Avec Jean-Pierre Ostende, on s’habitue vite à des détails qui font toute la différence et l’on collecte avec joie le moindre élément perturbateur. Bruits de pas sur le gravier, bibliothèques et portes qui grincent, objets plus animés que de coutume suffisent à semer le trouble dans l’esprit du lecteur et du même coup à le faire bifurquer de l’autre côté du miroir. D’une extrapolation à l’autre, la fiction prend le pas sur une réalité que l’on sait par avance révolue et ses principaux acteurs se laissent gagner par une floraison d’univers parallèles, des sous-ensembles narratifs qui s’accroissent à vue d’oeil. Où nous conduisent nos pas ? La mémoire des uns se nourrirait-elle de l’amnésie des autres ? Telle est peut-être la problématique de ce roman qui inverse à dessein des rôles parfaitement rodés. L’arroseur, c’est un fait avéré, est souvent arrosé et l’explorateur ne tarde pas à être exploré par ces lieux qu’il pensait avoir apprivoisés. De même l’imaginaire ne capitule jamais devant l’incrédulité présumée du lecteur. Dès lors, tout devient plausible et tout s’inscrit dans une logique qui se substitue à la nôtre. On n’est guère étonné de cette forêt à géométrie variable, peuplée d’écureuils et de lapins épileptiques, de cette centrale nucléaire située à deux pas d’un Moulinsart grandeur nature, de ces allées et venues de jardiniers monomaniaques à toute heure du jour, en un mot, de cette réalité qui ne tend au « hors sujet » derrière les apparences les plus familières… Notre spécialiste en parcs d’attractions apprend ainsi que l’ancienne propriétaire des lieux aurait eu des affinités électives avec un certain Paul Rubistein dont les lubies ne sont un secret pour personne… Du sortilège des lieux au sortilège tout court, il n’y a qu’un pas que Jean-Pierre Ostende franchit allégrement puisque l’Explorateur Club est aussi une entreprise de fiction poétique à longues échéances, destinée à être lue à voix haute comme pour conjurer un désengagement littéraire de plus en plus fréquent. Récits à tiroirs, escapades imaginaires constituent la matière première de cette oeuvre insolite, singulière et rebelle à toute concession autobiographique. Un décalage horaire plus que jamais précieux en ces temps de planification romanesque ! >> Par Valère-Marie Marchand, © l'Humanité du 05-01-08

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Un temps mort et intangible, Par I de Montvert-Chaussy


<< L' 'Explorateur Club est une entreprise étrange, menée par Jean-Pierre Ostende depuis 2002, et dont la définition n'appartient qu'à lui. Vu de l'extérieur, il semble que ce soit une tentative d'intrusion de l'imaginaire dans le monde réel, peut-être en vue d'une fusion, mais l'Explorateur Club, tout esprit soit-il, a aussi des contraintes d'organisation et de communication. Il doit se faire connaître. C'est missionné par cet Explorateur Club que Jacques Bergman quitte femme et enfant pour s'installer trois mois dans un château du XVIIIe, entouré de somptueux jardins à la française. La demeure est vide depuis le décès de la comtesse, sans autres héritiers que les lapins et les écureuils qui s'égaillent dans les allées. Michelle de Santerre, « Madame », avait souhaité que son domaine vive après elle, comme au temps de sa vie sur terre. Une aubaine pour l'Explorateur Club, qui envisage très sérieusement de le transformer en site touristique. Jacques Bergman s'installe dans le pavillon de chasse, il va observer les lieux, interroger Pechnatz, l'homme d'entretien qui n'a jamais quitté ni Madame ni le château.
Tout commence comme une belle histoire dans un beau château. Si ce n'est que, dès les premières pages, Jean-Pierre Ostende glisse quelques subtils indices. Un magnétophone surnommé Philippe, Pechnatz, qui se fait appeler Stephen Roi, la passion de Madame pour les Américains restaurateurs d'église et pour les terrific gardens de Chambers? Le château, progressivement, se met à vivre ouvertement. Jacques Bergman ne distingue plus les limites de l'ingérence du fantastique dans le paysage a priori paisible, et le lecteur s'égare avec bonheur dans un univers de poésie totale. Il y a des souvenirs qui se froissent avec fracas, des soupirs qui se transforment en orage, des arbres qui s'allument? Bergman pressent que son patrimoine génétique n'a pas été constitué pour faire la part des choses tangibles et intangibles. Sa vie, qu'il confie à un certain docteur Travolta, devient inconfortable. Tout devient vraiment très difficile pour Bergman. L'idéal serait de se réveiller comme avant, mais est-ce encore possible ? >> © Sud Ouest, décembre 2007

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Radiographie ludique et inquiétante par Sylvie Cohen


<< Entre anticipation sociale, angoisse, burlesque et hyperréalisme, la fiction de J.P Ostende caracole, donne le vertige, explore avec une virtuosité éblouissante diverses pistes, ruse avec nous dans une sorte de labyrinthe menaçant - la référence constante au film de Stanley Kubrick, Shining, n’est pas à étrangère à tous les « trucs » qui conditionnent le trouble.
De quoi s’agit-il ? Jacques Bergman séjourne pour le compte de l’Explorateur Club, dans un château du XVIIIIème siècle afin de le transformer en parc de loisirs. Il plonge dans l’histoire du monument, de son jardin, de la famille. Les indices commencent dès le début, toujours au bord de la drôlerie : ainsi l’air des trois petits cochons de Walt Disney en version française et anglaise « Qui craint le grand méchant loup, c’est pas nous, c’est pas nous. » Hormis Pechnatz l’homme d’entretien, les jardiniers en personnages surréalistes comme des fantômes dangereux et sa compagne par téléphone, Bergman n’a pas de rapport humain. Ce n’est donc pas pour rien que l’auteur, malicieux, introduit la fausse humanisation des objets : le portable nommé Eric, le réfrigérateur Jérôme Bosch…sans compter les horloges qui se détraquent, les animaux qui font irruption. «… il faudrait être fou, givré, gratiné pour avoir peur des écureuils et des lapins… » ou « des centaines de cadavres de mouches, peut-être un suicide collectif », et même les paons « … obstinés, insomniaques et paraît-il, homosexuels » J.P Ostende a le sens du détail incongru, discordant, de la métaphore : le texte abonde en trouvailles et en signes. C’est un feu d’artifice, le rire nous secoue mais agit comme un électrochoc : l’animal et l’objet deviendraient-ils les seuls compagnons de l’individu ? Car cette « présence » (d’où le titre du livre), est l’exigence de Michèle de Santerre, la propriétaire du Château, qui l’a légué à l’Etat pour se donner l’illusion d’exister encore. Ce que semble dévoiler le livre de J.P Ostende, c’est bien la disparition de l’homme, resterait juste sa présence. Ainsi, si nous apprenons au départ du roman, que Bergman a d’abord été employé comme admirateur professionnel pour aider un jeune auteur à créer un tube « L’Asile le plus sûr est le cœur d’une mère », slogan ô combien symbolique et drôle, à la fin la boucle est bouclée par l’installation du centre de loisirs « Présence au Château » où la vie est recréée, et par la dernière phrase « je travaille à un guide pour voyager, sans rencontrer personne ». J. P Ostende sonne le glas de notre société et nous livre une leçon ultime : que sont devenus les humains ? Le lecteur reste subjugué devant l’art électrique de l’auteur et son cauchemar éveillé. Magistral.>> Par Sylvie Cohen, © La Marseillaise, 04-11-07



La Présence dans le Matricule des Anges