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Patrick Modiano


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Au Temps
Dictionnaire Patrick Modiano

Bernard Obadia

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B  D  E  F  G  H  I  J  K  L  M  N  O  P  Q  R  S  T  U  V  W  X  Y  Z 

B  D  E  F  G  H  I  J  K  L  M  N  O  P  Q  R  S  T  U  V  W  X  Y  Z

O

Objets romanesques
La filature, la filiation, le dernier métro, le vertige des doubles, les boulevards de ceinture, l'énigme des vies (...) Des fragments de mémoire flottent au milieu du brouillard (...) cette fascination cotonneuse pour les étrangers que Paris a un jour avalés, Russes blancs, rescapés de l'Égypte khédiviale, officiers de la Wehrmacht. (...) art particulier de la découpe : focaliser sous une lumière de studio des objets nimbés d'une inquiétante étrangeté. La moquette pelucheuse et les barres de cuivre d'un escalier de banlieue. L'enseigne lumineuse d'un garage. Une boîte de biscuits Lefèvre-Utile. Une affiche d'autrefois dans le métro : « Pupier, le chocolat des familles ». (...) les brownings dans leurs étuis de daim gris, quelques plaques sur les façades, les voix de speakers lointains (...)

 

L'Occupation



l' Occupation : Propos
<< Comme tous les gens qui n'ont ni terroir ni racines, je suis obsédé par ma préhistoire. Et ma préhistoire, c'est la période trouble et honteuse de l'Occupation: j'ai toujours eu le sentiment, pour d'obscures raisons d'ordre familial, que j'étais né de ce cauchemar. Les lumières crépusculaires de cette époque sont pour moi ce que devait être la Gironde pour Mauriac ou la Normandie pour La Varende; c'est de là que je suis issu. Ce n'est pas l'Occupation historique que j'ai dépeinte dans mes trois premiers romans, c'est la lumière incertaine de mes origines. Cette ambiance où tout se dérobe, où tout semble vaciller...>>  Jean-Louis Ezine . Les écrivains sur la sellette. Paris: Le Seuil, 1981. 22.

<< Pourquoi ici plus que dans n'importe quel autre endroit, ai-je senti l'odeur vénéneuse de l'Occupation, ce terreau d'où je suis issu? >> Livret de famille. Gallimard, Coll.folio, 1981. 202.

<< L'Occupation est une sorte de microcosme, de condensation de tout le drame humain, avec à la fois l'horreur et l'élan vital, et le côté aphrodisiaque qu'engendre l'horreur: les gens se sentant menacés veulent en même temps continuer à vivre... La condition humaine est condensée dans des périodes comme celle-là... L'amour, la mort. les gens qui disparaissent, la culpabilité... En fait le point de vue métaphysique me trouble plus que le point de vue historique. >> Dominique Montaudon,  Quoi Lire Magazine (Mars 1989). 8.

« J’ai toujours l’impression que je suis le produit de l’Occupation. Pendant l’Occupation […] des gens se rencontraient qui n’auraient jamais dû se rencontrer en temps normal […] c’est un peu comme mon terroir. » (Interview accordée à Playboy, mai 1981 ; citée par Morris, Patrick Modiano, p. 43)

« Comme tous les gens qui n’ont ni terroir ni racines, je suis obsédé par ma préhistoire. Et ma préhistoire, c’est la période trouble et honteuse de l’Occupation. » (Cité par Morris, p. 13)

<< Ce n’est pas l’Occupation telle qu’elle a eu lieu dans la réalité. C’est une Occupation revue à travers un fantasme, une Occupation complètement imaginaire. (…) Dans mon enfance, j’entendais des gens en parler parce que c’était encore très proche, puis ensuite j’entendais des propos fuser ; comme ça, avec l’imagination de l’enfance, j’ai recréé…et puis ensuite il y avait un climat qui me plaisait, un climat de Black-out, un climat un peu trouble.>> Antoine de Gaudemar, émission FR3, Modiano, Un siècle d’écrivains, réalisateur : Paule Zajdermann, 1er trimestre 1996.

<< Si je recours à l’Occupation, c’est parce qu’elle me fournit le climat idéal, un peu trouble, cette lumière un peu bizarre. Mais il s’agit en réalité de l’image démesurément grossie de ce qui se passe aujourd’hui.>> Le Monde le 24 mai 1973


Pourquoi l’Occupation ?
A la question d’une journaliste à la parution de son second roman : « Pourquoi l’Occupation une seconde fois ? », Modiano répond :
<< Peut-être parce que j’ai l’impression d’en être le produit. Le Paris de cette époque-là me fait penser à celui d’Eugène Sue. C’est un univers trouble où toutes les rencontres sont possibles, où les individus lâches trouvent une envergure soudaine, où des épaves issues du désordre prennent le pouvoir. L’Occupation n’a dans La ronde de nuit qu’une valeur d’exemple
. >> Entretien avec Marie-Françoise Leclerc, dans Elle, le 8 décembre 1969.

La Charte de l'Occupation
Proclamation allemande du 20 juin 1940

L'armée allemande garantit aux habitants pleine sécurité personnelle et sauvegarde de leurs biens. Ceux qui se comportent paisiblement et tranquillement n'ont rien à craindre.
Tout acte de violence ou de sabotage, tout endommagement ou détournement de produits récoltés, de provisions de guerre et d'installations en tout genre, ainsi que l'endommagement d'affiche de l'autorité occupante, seront punis. Les usines à gaz, d'électricité, d'eau, les chemins de fer, les écluses et les objets d'art, se trouvent sous la protection particulière de l'armée occupante.
Seront passibles du tribunal de guerre les individus inculpés d'avoir commis les faits suivants:

1. Toute assistance prêtée à des militaires non allemands se trouvant dans les territoires occupés;

2. Toute aide à des civils qui essayent de s'enfuir vers les territoires non occupés;

3. Toute transmission de renseignements au détriment de l'armée allemande et du Reich, à des personnes ou des autorités se trouvant en dehors des territoires occupés;

4. Tous rapports avec les prisonniers;

5. Toute offense à l'armée allemande et à ses chefs;

6. Les attroupemens de rue. Les distributions de tracts, l'organisation d'assemblées politiques et de manifestations qui n'auront pas été approuvées au préalable par le commandement allemand:

7. Toute provocation au chômage volontaire, tout refus mal intentionné de travail, toute grève ou lock-out.

Les services publics, la police et les écoles devront poursuivre leurs activités. Les chefs et directeurs seront responsables envers l'autorité occupante du fonctionnement loyal des services.
Toutes les entreprises, les maisons de commerce, les banques poursuivront leur travail. Toute fermeture injustifiée sera punie.
Tout accaparement de marchandises d'usage quotidien est interdit. Il sera considéré comme un acte de sabotage.
Toute augmentation des prix et des salaires au-delà du niveau existant le jour de l'occupation est interdite. Le taux du change est fixé comme suit: 1 franc français pour 0.05 Reichmark. Les monnaies allemandes doivent être acceptées en prime.

Discours du Général de GAULLE* prononcé à la radio de Londres le 18 juin 1940
<<
Les chefs qui, depuis de nombreuses années, sont à la tête des armées françaises, ont formé un gouvernement. Ce gouvernement, alléguant la défaite de nos armées, s'est mis en rapport avec l'ennemi pour cesser le combat.
Certes, nous avons été, nous sommes, submergés par la force mécanique, terrestre et aérienne, de l'ennemi. Infiniment plus que leur nombre, ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui nous font reculer. Ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui ont surpris nos chefs au point de les amener là où ils en sont aujourd'hui.
Mais le dernier mot est-il dit ? L'espérance doit-elle disparaître ? La défaite est-elle définitive ?
Non ! Croyez-moi, moi qui vous parle en connaissance de cause et vous dis que rien n'est perdu pour la France. Les mêmes moyens qui nous ont vaincus peuvent faire venir un jour la victoire.
Car la France n'est pas seule ! Elle n'est pas seule ! Elle n'est pas seule ! Elle a un vaste Empire derrière elle. Elle peut faire bloc avec l'empire britannique qui tient la mer et continue la lutte. Elle peut, comme l'Angleterre, utiliser sans limites l'immense industrie des Etats-Unis. Cette guerre n'est pas limitée au territoire malheureux de notre pays. Cette guerre n'est pas tranchée par la bataille de France. Cette guerre est une guerre mondiale.
Toutes les fautes, tous les retards, toutes les souffrances, n'empêchent pas qu'il y a, dans l'univers, tous les moyens nécessaires pour écraser un jour nos ennemis. Foudroyés aujourd'hui par la force mécanique, nous pourrons vaincre dans l'avenir par une force mécanique supérieure. Le destin du monde est là.
Moi, Général de Gaulle, actuellement à Londres, j'invite les officiers et les soldats français qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s'y trouver, avec leurs armes ou sans leurs armes, j'invite les ingénieurs et les ouvriers spécialistes des industries d'armement qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s'y trouver, à se mettre en rapport avec moi.
Quoi qu'il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s'éteindre et ne s'éteindra pas.
Demain, comme aujourd'hui, je parlerai à la Radio de Londres.>>

L'appel aux Français du Maréchal Pétain* - 17 juin 1940
<<
Français! J'ai demandé à nos adversaires de mettre fin aux hostilités. Le gouvernement a désigné mercredi les plénipotentiaires chargé de recueillir leurs conditions.
J'ai pris cette décision, dure au coeur d'un soldat, parce que la situation militaire l'imposait. Nous espérions résister sur la ligne de la Somme et de l'Aisne. Le général Weygand avait regroupé nos forces. Son seul nom présageait la victoire. Pourtant la ligne a cédé et la pression ennemie a constraint nos forces à la retraite.
Dès le 13 juin, la demande d'armistice était inévitable. Cet échec vous a surpris. Vous souvenant de 1914 et de 1918, vous en cherchez les raisons. Je vais vous les dire.
Le 1er mai 1917, nous avions encore 3 280 000 hommes aux armées, malgré trois ans de combats meurtriers. A la veille de la bataille actuelle, nous en avions 500 000 de moins. En mai 1918, nous avions 85 divisions britanniques: en mai 1940, il n'y en avait que 10. En 1918, nous avions avec nous les 58 divisions italiennes et les 42 divisions américaines.
L'infériorité de notre matériel a été plus grande encore que celles de nos effectifs. L'aviation française a livré à un contre six ses combats. Moins forts qu'il y a vingt-deux ans, nous avions aussi moins d'amis. Trop peu d'enfants, trop peu d'armes, trop peu d'alliés: voilà notre défaite.
Le Peuple français ne conteste pas ses échecs. Tous les peuples ont connu tour à tour des succès et des revers. C'est par la manière dont ils réagissent qu'ils se montrent faibles ou grands.
Nous tirerons la leçon des batailles perdues. Depuis la victoire, l'esprit de jouissance l'a emporté sur l'esprit de sacrifice. On a revendiqué plus qu'on a servi. On a voulu épargner l'effort: on rencontre aujourd'hui le malheur. J'ai été avec vous dans les jours glorieux. Chef du gouvernement, je suis et resterai avec vous dans les jours sombres. Soyez à mes côtés. Le combat reste le même. Il s'agit de la France, de son sol, de ses fils.>>

L'Occupation, cette période en trou noir
"Les gens de mon âge ont été les produits de l'Occupation, cette période en trou noir où des gens déboussolés, nos parents, se sont rencontrés. Rencontres souvent hasardeuses. Il y avait cette espèce de chose qui flottait... Aujourd'hui, évidemment, ça a fini par basculer dans l'imaginaire..
." Entretien avec Christophe Ono-dit-Biot , 27/09/2007, à l'occasion de la parution de Dans le café de la jeunesse perdue,- © Le Point N°1828-

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odeurs
<< Chaque nuit, nous avions envie de partir, à cause de l'odeur qui flottait dans la chambre, une odeur douceâtre dont j'ignorais si c'était celle des égouts, d'une cuisine ou de la moquette pourrie. >> D.P.O., p.92.
<< Je sentais encore l'odeur douceâtre de l'hôtel et je me suis demandé au bout de combien de jours elle disparaîtrait définitivement de nos vies.>> D.P.O., p.96.
<< Une fraîcheur m’a envahi les poumons.(...) et nous [Jacqueline et le narrateur] tombons dans le vide. D.P.O., p.29.
<<Une odeur flottante, aussi pénétrante que celle de l’odeur Radnor mais plus douce: l’odeur du chanvre indien.>> D.P.O., p.102.


Opaque à elle-même
"J’ai toujours l’impression que même les gens qui vous sont les plus proches gardent une part de mystère. Qu’ils vous échappent. Je voulais traduire cette impression. Louki est d’ailleurs opaque à elle-même."
[Rencontre] Patrick Modiano à l'occasion de la sortie de Dans le café de la jeunesse perdue, MK2 diffusion, 24/01/2008

L'oral
« C’est la première fois que je dois prononcer un discours devant une si nombreuse assemblée et j’en éprouve une certaine appréhension. On serait tenté de croire que pour un écrivain, il est naturel et facile de se livrer à cet exercice. Mais un écrivain – ou tout au moins un romancier – a souvent des rapports difficiles avec la parole. »
Et si l’on se rappelle cette distinction scolaire entre l’écrit et l’oral, un romancier est plus doué pour l’écrit que pour l’oral. Il a l’habitude de se taire et s’il veut se pénétrer d’une atmosphère, il doit se fondre dans la foule. Il écoute les conversations sans en avoir l’air. »
7 décembre 2014. Discours de stockholm, prononcé 3 jours avant la remise du prix Nobel de Littérature.

Où ?
"J'avançais, dit-elle, avec ce sentiment de légèreté qui vous prend quelquefois dans les rêves. Vous ne craignez plus rien, tous les dangers sont dérisoires. Si cela tourne vraiment mal, il suffit de vous réveiller. Vous êtes invincible. Je marchais, impatiente d'arriver au bout, là où il n'y avait plus que le bleu du ciel et le vide." Dans le café de la jeunesse perdue, roman Gallimard, 2007.

Oublier
«J’écris dans un demi-sommeil. Quand j’entame un roman, j’oublie les précédents. Je deviens amnésique. Avec le recul, je me sens un peu comme un peintre qui revient sans cesse sur la même toile.» Rencontre « Patrick Modiano, chasseur d’ombres par Lisbeth Koutchoumoff, Le Temps. 13 mars 2010


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