Les
gens d'images sont le plus souvent proches des arts plastiques
ou de la communication. Ils s'attachent donc
tout naturellement
avant tout à l'aspect plastique des images ou des volumes
qu'ils conçoivent et réalisent.
Les
self médias avec plus récemment l'introduction
du tout numérique ouvrent de nouvelles perspectives créatives.
Réaliser des images (sur palettes graphique) ou des photographies
(numériques) n'exige plus une longe et laborieuse formation
technique. L'outil numérique révolutionne et démocratise
la production des images dans sa finalité, son économie,
son esthétique même.
Réaliser des photographies techniquement acceptables et
souvent même de qualité professionnelle, en très
grande quantité, à moindre coût est devenu,
grâce au numérique très accessible.
Plasticiens,
scientifiques et littéraires ou purs amateurs
peuvent donc s'emparer des Nouvelles Technologies pour communiquer,
exprimer ou s'exprimer en toute liberté.... La question
qui se pose est la suivante: cette fabuleuse simplification technologique
loge-t-elle tous les possesseurs d'appareils numériques à la
même enseigne?
Que
révèle l'observation attentive des blogs? ...
Ces nouvelles fenêtres publiquement et impudiquement ouvertes
via le Net pour afficher au grand jour créations graphiques,
cinématographiques, littéraires ou photographiques
les plus secrètes, les plus intimes, les plus savantes ou
les plus décevantes?
Un
blog à part…
D'un
point de vue sémiologique, considérer les résultats
tirés par un littéraire de l'outil numérique
est intéressant.
En
effet la construction de la narration, du récit ou de
toute autre forme de discours relève effectivement des compétences
de l'écrivain. Sur Internet un peut trouver un blog signé Bernard
Obadia.
Cet
universitaire affiche régulièrement ses textes,
recherches et photographies personnelles. Bernard Obadia écrit
pour le théâtre. Il enseigne également la littérature
au niveau universitaire.
Dans
Littératures et Compagnies, Bernard Obadia propose
dans Représentations, Quitter le temps, La Collection....
ses productions photographiques...
A
travers La Collection, se dessinent peu à peu au fil
des mois trois catégories d'images, s’organisant selon
deux axes complémentaires mais plastiquement et sémiologiquement
distincts. On identifie donc des photographies représentant:
-
des volumes vides ou pleins (prises de vues d'espaces publics
extérieurs: rues, immeubles...)
-
des reflets et interfaces ( la ville perçue sur des surfaces
de transition, écrans visuels entre l'espace public et semi-public)
-
des espaces et objets collectifs semi-privés (considérés
dans des lieux d'exposition, salles de spectacle, véhicules...)
Dans
la première catégorie s'inscrivent les prises
de vue en extérieur. Au soleil. A l'air libre. Dans l'espace
public.... La structuration de l'image, souvent orthogonale, rigide
et méthodique fait écho à des couleurs vibrantes,
saturées, affichées en nombre limité sur chaque
prise de vue.
Tensions
extrêmes entre les lignes, les couleurs, les surfaces à l'intérieur
du cadre de l'image.
Ces
photos sont construites comme des compositions picturales abstraites.
Même si les titres proposés par l'auteur
sont très et même souvent trop précis et ciblés.
Décors ou plutôt scénographies d'espaces urbains
où les vides se donnent à lire comme des sujets à part
entière. Là où le passant ne voit rien in
situ. Le photographe donne à voir, matérialise et
photographie un entre deux béant, une absence dans l'espace
construit et vécu.... Vide social ou sociétal dans
lequel l'individu, les individus (par deux ou trois) ne font que
de rares apparitions (sur l'écran).
Car
il s'agit bien d'un écran que Bernard Obadia anime
en diaporama dans une rubrique option de La Collection. Ces séquences
construisent souvent une narration schématique et muette.
Un enchaînement sémantique logique ou simplement plastique.
C'est à dire fondé sur les directions, les formes,
les couleurs des éléments de la séquence d'images.
Forme indéfinie et abstraite d'un discours sur et de l'espace.
La
seconde catégorie s'intéresse non plus aux espaces
ou volumes mais aux images engendrées spontanément
par les constructions et les paysages sur des surfaces réfléchissantes.
Vitres de trains, vitrines, vitres...
L'éphémère urbain, ses compositions et déconstructions
formelles ne construisent pas seulement des formes plastiquement
attrayantes à nos yeux. C'est toute l'ambiguïté du
réel qui se donne à lire dans l'objectivité déformante
de ces surfaces réfléchissantes.
Ce
que l'imaginaire du plasticien recrée à grand
frais d'artifices graphiques, Bernard Obadia l'enregistre tranquillement,
méthodiquement, scrupuleusement comme un récit fantastique,
un conte à dormir debout, une histoire sans parole, sans
rime ni raison... juste pour le plaisir des mots ici mis en images
avec leurs déformations picturales. Les tonalités
de l'image sont ici plus discrètes, pastelles, fluides ...
L'image
photographique toujours plurielle et mouvante lors de la prise
de vue, offre ici un résultat émouvant.
Inattendu. Même quand on croit que tout est maîtrisé...ou
au contraire délibérément laissé au
hasard. Discours à la troisième personne du singulier
où l'espace se parle à lui-même en nous renvoyant
sa propre image....mirage d'une civilisation urbaine du paraître
et du disparaître à grande vitesse.
Enfin
se retrouvent les clichés dérobés dans
des espaces plus intimes.... Ils ne sont pas plus peuplés
sur l'image. Mais la proximité des autres: passants, visiteurs,
lecteurs.....est perceptible ou visible même si elle reste
minimaliste. Cadrage plus serré. Travail révélant
la matérialité des sujets, des couleurs et des formes...
Contrastes plus affirmés. Palette souvent restreinte.
Là, le rapport du photographe au sujet est différent.
Plus impliqué. Même très impliqué. Voire
implanté dans l'action. Une action bien souvent purement
mécanique, numérique, statique, analytique. Un discours à la
première personne?
Bernard
Obadia traque le sens, le signifié, celui qui circule
entre le réel et le perçu, entre le codage de l'image
et le décodage de la perception. Et ses images détraquent
nos idées reçues, nos à priori sur le photographique
d'aujourd'hui, le numérique qui pénètre en
force la pratique de l'image professionnelle ou non.
Alors,
la littérature comme pré requis pour une
bonne maîtrise de la photographie contemporaine ou celle
de demain?
Pour
une pratique photographique ou la forme et le sens cohabitent,
se structurent et s'entrechoquent pour mieux
exprimer et non pas
seulement communiquer. Pour raconter le monde intérieur
du photographe sa vision, ses passions, ses aversions... Celles
de chacun de nous, relues et interprétées par la
psychologie... de la forme.... de l'art...et de la matière
....numérique..., par la psychanalyse... des contes de fées......
Car la vie, ne l’oublions pas, en littérature n’est
jamais qu’un songe.
C.
ZIOLKO, plasticienne, enseignante en sémiologie
des arts visuels
Liens
brisés
© Caroline
Ziolko
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